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ENLÈVEMENT DE GRÉGROIRE vii.

dans les lieux saints, et de négliger son tribunal temporel[1]. Mais Grégoire vii avait bien jugé le dévouement intrépide de cet homme. Sans égard à sa parenté et aux murmures de la noblesse romaine, le préfet arrêta par force Cinci, et le jeta dans un cachot. Frappés de ce coup hardi, plusieurs nobles de Rome vinrent alors supplier le pape. Grégoire vii, après avoir exigé de Cinci serment, sur les reliques de saint Pierre, qu’il amenderait sa vie, et tiré de lui des otages, le mit en liberté, en confisquant sa principale forteresse. Elle fut, à coups de béliers et de marteaux, démolie de fond en comble, aux grands applaudissemens du peuple, qui, dans cette lutte, était de cœur pour le pape contre les châtelains.

Désespéré de cet affront, qui abattait son parti dans Rome, Cinci, chercha partout des alliés et une vengeance. Il s’adressa d’abord aux principaux excommuniés, visitant le duc Guiscard en Calabre, et envoyant un de ses fils à Ravennes, pour conférer avec l’archevêque Guibert. Le prince normand, tout brouillé qu’il était avec le pape, n’avait garde de violer de ses propres mains cette chaire de saint Pierre, dont il attendait plus tard une consécration pour ses conquêtes. Guibert, malgré sa haine, ne pouvait rien entreprendre à force ouverte contre le pape. Cinci leur confia cependant son projet de prendre et de tuer Grégoire vii, et il écrivit en Allemagne à Henri, pour offrir de lui amener, pieds et mains liés, le pape, son ennemi[2]. On ne sait quelles furent les réponses, et les encouragemens de Henri.

Près d’un an s’était écoulé depuis le bannissement de Cinci. Sous la protection du prince des Normands et de Guibert, il employait ce temps à réunir des aventuriers, et à se préparer une occasion et des complices dans Rome ; il promettait pillage et liberté[3].

  1. Cave ergo, ne propter peculiaris orationis studium, cui insistere forte contendis, disciplinam tam innumerabilis populi, qui tibi commissus est, negligas. Petri Damiani Epistolæ, tom. i, pag. 356.
  2. Statuitque cum ipsis tempus opportunum, quomodo dominum papam caperet et occideret… promittens eumdem patrem regio conspectui repræsentandum. Paul. Bernr. Apud. Act. Sanct.
  3. Promittens eis ineffabilia, libertatem futuram, quæstum sine mensura. Ibid.