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REVUE. — CHRONIQUE.

n’oublie pas un nom, dans une commission où les copistes et les secrétaires ne manquent pas. D’ailleurs, le livre restait, à défaut du nom de l’auteur. L’offre de concourir en 1834 n’est pas non plus un dédommagement. D’ici là, il peut se présenter de nombreux ouvrages, complétés à l’aide de celui-ci, et le tort fait à l’auteur sera irréparable. Nous ajouterons que le prix a été décerné à l’auteur de la Statistique criminelle d’un département, c’est-à-dire à une statistique restreinte et d’une spécialité si étroite, qu’elle en deviendra presque inutile. Il est vrai que le nom de l’auteur de la Statistique complète de la France avait été oublié sur la liste, ce qui a sans doute empêché de lire le livre. Nous le répétons, tout ceci est fort obscur, fort peu logique surtout, et, pour l’honneur de la commission de l’Institut, elle fera bien de donner une meilleure explication que celle qui se trouve dans la lettre de M. Arago.

Le projet des forts détachés, que les cris de mécontentement de la population parisienne semblaient avoir fait abandonner, a été repris avec beaucoup d’ardeur. Des agens parcourent les communes rurales des environs de Paris, et engagent les habitans à signer des pétitions pour demander l’établissement des fortifications. Aux uns, on fait entendre que ces travaux tourneront à leur profit, et que les ouvriers y trouveront du travail ; aux autres on promet des commandes, des places, et toutes les faveurs dont le gouvernement dispose. La question des forts détachés est une de celles qu’on caresse avec le plus de prédilection, et pour lesquelles on remettra tout en jeu dans les chambres. Un haut personnage, qu’on tâchait de détacher de ce projet, en lui parlant de l’impopularité qui y était attachée, répondit, en haussant les épaules : « C’est une question de vie et de mort ; il vaut mieux être impopulaire que tomber. »

Les théâtres déploient une grande activité au commencement de cet hiver ; mais depuis le succès de Bertrand et Raton, cette curieuse comédie de M. Scribe, on ne peut guère citer que deux petits ouvrages, la Danseuse de Venise, joli vaudeville représenté au Palais-Royal, et le Prédestiné, pièce passablement obscène, mais malheureusement amusante et spirituelle, de MM. Lockroi et Arnoult ; cette seconde pièce se joue au Vaudeville. Avant tout, et hors ligne, il faut placer le magnifique ballet de la Révolte au Sérail, représenté la semaine dernière à l’Opéra. Jamais on n’avait poussé plus loin le bon goût noble et la magnificence. Le premier acte surtout est un chef-d’œuvre d’art et de composition, et chaque scène est un tableau qui semble peint par un grand maître. La Révolte au Sérail est un ballet de femmes ; tout le personnel féminin de l’Opéra y figure, et il y aura sans doute foule tout l’hiver pour voir Mlle Taglioni, le casque en tête, commandant une armée de jeunes filles qui manœuvre