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l’infortuné Raspail. Une petite note bien sèche, jetée aux journaux par la commission de l’Institut, lui sembla suffisante pour se justifier des reproches qu’elle encourut dans cette circonstance. Nous espérons qu’elle se justifiera plus sérieusement du reproche que nous avons à lui adresser aujourd’hui.

Parmi les ouvrages qui lui furent envoyés comme devant concourir au prix de statistique de la fondation Monthyon, elle reçut une statistique de la France écrite par un Anglais, et dédiée à M. de Villèle. Sous son ministère, M. de Villèle avait fait communiquer à cet étranger tous les documens nécessaires à ce grand travail, qui dura plus de cinq ans. L’auteur de ce livre est M. Goldsmith, connu, il est vrai, par quelques ouvrages que la France libérale ne saurait approuver. Mais M. Goldsmith était dans la situation de M. Raspail ; il se présentait comme auteur d’une statistique, c’était sa statistique, et non pas ses sentimens politiques qu’il fallait juger. On s’est défendu d’avoir repoussé M. Raspail comme républicain. On se défendra sans doute d’avoir repoussé M. Goldsmith comme carliste ou tory, ou quoi que ce soit. Les membres de la commission ont bien voulu dire qu’ils étaient indépendans de tout esprit de ministérialisme, nous pensons qu’ils voudront bien aussi nous déclarer qu’ils sont indépendans de tout esprit de parti. On aurait bien mauvaise grace à se plaindre des exclusions du ministère contre les républicains, si l’on n’était soi-même exempt de tout acte d’exclusion contre des hommes d’une opinion opposée. En attendant les éclaircissemens que nous provoquons, voici la lettre qui a été adressée, au nom de la commission de l’Institut, à l’auteur de la Statistique de la France.


Monsieur,

« Le 3 décembre dernier, j’avais fait inscrire votre ouvrage parmi ceux qui, cette année, devaient concourir pour le prix de statistique. En transcrivant la liste, on a malheureusement oublié votre nom. Je n’avais qu’un moyen de réparer cette erreur involontaire, maintenant que la commission a prononcé : c’était de vous faire réserver vos droits pour l’an prochain. Votre ouvrage concourra donc en 1834. Il est déjà dans le carton de la future commission.

« Veuillez, monsieur, agréer, avec tous mes regrets, l’expression de mes sentimens distingués.

F. Arago. »


Une pareille excuse, si elle ne venait d’un homme aussi honorable que M. Arago, ressemblerait beaucoup à une défaite. On n’égare, on