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et à reconnaître les parages de l’Istrie ; et sous le prétexte d’aller au carnaval de Venise, nos officiers de marine, descendus à terre, et voyageant à pied, firent un relevé semblable le long des côtes. La chancellerie de Vienne et la cour de Rome furent très pertinemment instruites de ces explorations ; et si l’Autriche ne nous déclara pas la guerre alors, on peut assurer que c’est parce que le cœur lui manqua. Il est certain du moins que ni l’envie ni une raison valable ne lui manquaient en ce moment.

Il y a peu de mois, on vit revenir à paris le général Sébastiani. À peine ses amis le reconnurent, tant la cruelle maladie, qui l’avait frappé, laissait de ravages sur ses traits. Pour lui, il semblait seul ne pas s’apercevoir que son corps et sa pensée avaient subi des altérations aussi vives. Il se montra partout, se traîna régulièrement chaque jour au château, continua de conférer avec le maître, à couver sous son aile le secret des négociations directes et annonça qu’il allait reprendre au plus vite le ministère des affaires étrangères qui languissait hors de ses mains. L’état florissant de la santé du général Sébastiani et le rétablissement complet de ses facultés physiques et morales furent même un jour officiellement annoncés au pays par le Moniteur, et l’un de ses médecins qui s’avisa de lui recommander une vie calme et retirée, fut fortement réprimandé et renvoyé comme un conspirateur. Bientôt, en effet, M. Sébastiani fut nommé ministre. – « Ministre de quoi ? » demandait un jour, avec autant d’esprit que d’insolence, M. le duc de Fitz-James au duc de Broglie, qui l’interpellait en cette qualité à la chambre des pairs. Cette question fut adressée par la presse tout entière à M. Sébastiani le jour où parut l’ordonnance qui l’appelait au conseil. M. Sébastiani garda le silence, et cependant il lui était bien facile de répondre ; car, assis dans son fauteuil, sans portefeuille, sans attribution, il constitue à lui seul tout un ministère, un ministère placé au-dessus de l’autre, qui reçoit avant lui les nouvelles et les dépêches, qui a le secret des missions diplomatiques, le vrai chiffre des ambassades, où se font les véritables plans des sessions, les projets de gouvernement pour l’avenir, qui n’ouvre que parcimonieusement la main, et ne laisse tomber que de temps en temps quelques parcelles de sa pensée aux ministres responsables, en réalité ses subalternes et ses agens. À