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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

mot qu’on lui fit valoir comme il le méritait, se décida enfin à recevoir le duc de Trévise à qui jusqu’alors il avait refusé d’accorder audience. Ce mot-là équivalait, vous le voyez, à un traité de paix.

Je vous citais tout-à-l’heure l’engagement public pris par M. Sébastiani au sujet des places fortes de la Belgique, dont il annonça à la tribune la prochaine démolition. M. Sébastiani s’occupa en effet, avec un certain zèle, de cette importante affaire. Il appela un jour près de lui un de nos généraux les plus savans, membre du comité du génie, et qui fut chargé plus tard d’une mission du gouvernement français en Belgique. Le ministre lui apprit, d’un air de satisfaction, qu’il touchait au moment d’achever cette grande négociation, et il lui demanda lesquelles de ces places fortes il importait surtout de détruire ; puis, sans attendre sa réponse, il s’écria qu’il comptait surtout insister sur la démolition de Courtray. Courtray, disait-il, l’occupait tout particulièrement, et il serait heureux d’annoncer à la chambre, dans la session qui allait s’ouvrir, que Courtray ne gênait plus la France. Le général demanda ingénument à M. Sébastiani ce qu’il voulait démolir à Courtray, et quel mal lui avaient fait les innocentes maisons de cette ville pour préméditer ainsi leur ruine. Le ministre tenait toujours pour sa démolition, et il parut fort étonné en apprenant que Courtray, ville ouverte sur les deux rives de la Lys, n’avait pas la moindre apparence d’une place forte, et ne possédait ni remparts, ni demi lunes, ni bastions, ni ravelins. M. Sébastiani souffrait déjà sans doute de la maladie cruelle qui l’éloigna pendant quelque temps des affaires ; car, à son arrivée à Bruxelles, le général dont je parle fut de nouveau consulté par notre ambassadeur, M. de Latour-Maubourg, que M. Sébastiani chargeait, dans toutes ses dépêches, d’insister sur la démolition des forts et des remparts de Courtray. Il fallut envoyer un secrétaire d’ambassade sur les lieux pour démontrer cette erreur à M. de Latour-Maubourg, qui se refusait à croire qu’un ministre des affaires étrangères fût si mal informé. Une longue lettre, apostillée par le général, suffit à peine pour faire cesser les opiniâtres réclamations de M. Sébastiani. Je puis vous affirmer que c’est à cela que se réduisit toute la grande affaire, tant annoncée, de la démolition des places fortes de la Belgique.