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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

votre rapport n’est pas celui d’un militaire qui rend compte de ce qui s’est fait. Il n’y a vu, dit-il, que de l’emphase, tandis qu’il veut du vrai. Sa majesté a besoin d’avoir des rapports exacts. Elle ajoute : C’est la vérité qu’on me doit. On ne doit rien me cacher. Altérer les faits est un crime. C’est m’obliger d’avoir recours aux rapports de l’ennemi pour savoir les choses comme elles sont. Le général Wellesley annonce dix-sept bouches à feu prises sur l’armée française. L’empereur veut savoir quels sont les canonniers qui ont abandonné ces pièces et la division d’infanterie qui les a laissé prendre, etc. »

Dans un rapport à l’empereur, fait par le ministre Clarke, en date du 1er septembre, celui-ci transmet le narré du général commandant l’artillerie française à Talaveyra et à Almanacid. Il en loue l’exactitude, la simplicité et l’oppose au récit du général Sébastiani. « Votre majesté, dit-il, remarquera que le général Sénarmont ne parle point de trente-cinq bouches à feu prises à l’ennemi, ni de cent caissons, ni de deux cents voitures ; mais il rend compte de cinq pièces et de vingt voitures du pays seulement. »

De telles contradictions achevèrent d’aigrir l’empereur et de perdre le général Sébastiani dans son esprit. Il oublia tous les souvenirs du pays qui avaient protégé jusqu’alors son compatriote, ainsi que l’assistance qu’il lui avait prêtée au 18 brumaire, et fit écrire avec sévérité au major-général Jourdan « qu’il voulait savoir définitivement qui avait menti dans ses rapports, soit du général anglais, soit des généraux français, et qui avait pris ou perdu des canons. »

Jourdan, blessé au vif du ton de la lettre, signifia la volonté de l’empereur au général Sébastiani et au maréchal Bellune, qui expédia aussitôt de Tolède, sous la date du 16 septembre, cette lettre digne de Bayard : « Si les Anglais ont pris de l’artillerie, des drapeaux et des étendards à l’armée française, ce n’est point au 1er corps que je commandais à Talaveyra. Je certifie que le 1er corps de l’armée d’Espagne n’a perdu ni drapeaux, ni artillerie, ni étendards, et que la chose, si elle est, ne me regarde pas. »

La lettre du général Sébastiani est moins assurée et plus mo-