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perdit pas les vingt pièces de canon qu’il avait en tout. On ramassa autour de la ville et sur la route cent hommes de son corps, qui, la plupart, n’étaient que blessés. Tous les récits s’accordent sur ce point ; et les deux mille prisonniers qu’annonçait le général Sébastiani, avec tant de caissons et de drapeaux, n’arrivèrent jamais à leur destination.

Ce n’était pas la première fois que M. Sébastiani enlevait de la sorte du canon et des hommes à l’ennemi. Son rapport de la bataille de Talaveyra était écrit du même style. Malheureusement un journal anglais rendit un tout autre compte de ces deux affaires, et annonça au contraire que des canons avaient été pris aux Français. On sait que Napoléon se faisait rendre un compte très exact des papiers anglais. Il entra dans une effroyable fureur, et écrivit au ministre de la guerre pour le charger de transmettre ses impressions au roi d’Espagne. Voici un fragment de la lettre que le ministre Clarke écrivit à sa majesté le roi d’Espagne et des Indes, par ordre de l’empereur, en date du 31 août 1809.

« Sire, je me vois de nouveau dans l’obligation de transmettre à votre majesté ce que l’empereur m’écrit encore sur les affaires d’Espagne, par sa lettre de Schoenbrunn, en date du 23 août. S. M. avait reçu une belle relation du général Sébastiani, et me renvoie en retour celle du général Wellesley (lord Wellington), qui, au contraire, dans les papiers anglais, annonce qu’il a pris dix bouches à feu et deux caissons sur l’armée française. Il parle surtout de sept autres pièces qu’il aurait trouvées abandonnées dans les bois. — L’empereur me charge de faire connaître à votre majesté son étonnement de ce qu’on ne lui a pas rendu un compte exact de ce qui s’est passé, et il exige enfin qu’on lui fasse connaître la vérité tout entière sans rien déguiser… »

La fin de cette lettre est très curieuse, et contient le duplicata de celle que le ministre de la guerre avait écrite au malheureux général Sébastiani. Cette lettre porte la même date que celle que je viens de citer. J’en transcris ici quelques lignes, et je me plais à croire que M. Sébastiani, qui l’a sans doute conservée dans ses archives, en reconnaîtra l’exactitude.

« L’empereur (dit le ministre) n’est pas satisfait. Il trouve que