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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

anglais contre la Porte ottomane. En 1801, M. Sébastiani, alors seulement colonel d’un régiment de dragons, qui s’était fait plus connaître par la part active qu’il avait prise au 18 brumaire, que par ses faits d’armes, avait été chargé d’une mission dans le Levant. Le ministère anglais ne pouvait avoir oublié la manière dont il s’était présenté à Alexandrie devant le général Stuart qu’il avait sommé d’évacuer cette ville, et de s’éloigner de ses eaux, aux termes du traité signé à Amiens entre la France et l’Angleterre. M. Sébastiani, jeune et beau, naturellement fier et vain de sa personne, regardé alors comme la fleur des élégans de l’armée, envoyé d’un gouvernement tout jeune aussi, tout fier aussi de ses succès, avait parlé d’un ton si haut, que ses paroles furent citées comme un des griefs de la Grande-Bretagne contre la France, dans le manifeste qui suivit la rupture de 1803. Son arrivée à Constantinople fut le signal d’une lutte entre les représentans des puissances, dans laquelle la France n’eut pour alliés que les seuls envoyés d’Espagne et de Hollande.

Le premier soin de M. Sébastiani fut de brouiller la Porte avec la Russie, et il fit alors avec succès ce que depuis le général Guilleminot tenta de faire sous le ministère de M. Sébastiani. Il employa tous les moyens de séduction et toutes les promesses pour obtenir la destitution des princes Ypsilanti et Morusi, vaïvodes de Valachie et de Moldavie, qui étaient tous deux dévoués à la Russie. Il livra à la Porte des preuves flagrantes de leur infidélité, montra la part que l’un d’eux avait prise aux troubles de la Servie, et fit si bien, que les deux princes furent déposés et remplacés par leurs ennemis Souzzo et Callimachi, avant que l’ambassadeur d’Angleterre et l’envoyé de Russie n’eussent appris qu’une disgrace menaçait leurs créatures. Or, d’après le traité d’Yassy, les vaïvodes des deux principautés ne pouvaient être déposés par la Porte, sans le consentement du cabinet de Saint-Pétersbourg. M. Italinski se vit forcé de demander ses passeports, et M. Arbuthnot, qui lui avait conseillé cette démarche, intimida si bien le divan, que tous les encouragemens de M. Sébastiani ne purent le maintenir dans sa résolution. Au grand chagrin de notre ambassadeur, les deux princes furent rétablis dans leurs vaïvodies. Cette lâcheté ne profita pas au divan, car tandis que M. Italinski demandait ses passe-