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et brûle d’autres forêts qui bientôt ont le même sort que les premières. Où s’élevaient naguère des arbres gigantesques entrelacés de lianes élégantes, le voyageur ne découvre plus que des campagnes immenses de capim gordura, et cependant il est incontestable que cette graminée ne s’est introduite que depuis un petit nombre d’années. »

Des changemens analogues à ceux que M. A. de Saint-Hilaire signale pour le Brésil ont lieu, quoiqu’en général sur une plus petite échelle, dans les autres parties de l’Amérique tropicale ; et j’ai eu moi-même souvent occasion de les observer pendant un séjour prolongé dans la république de Colombie. Dans ce pays, le système d’agriculture est à peu près semblable à celui du Brésil. Ainsi, quand on veut faire un nouvel établissement, on choisit, et avec grande raison, un lieu couvert d’arbres, et surtout de ceux qui ne croissent que dans un sol profond. On abat les troncs, qu’on laisse sur le sol jusqu’à la fin de l’été ; alors on les brûle, et après avoir égratigné un peu la terre, sans même prendre la peine, si ce n’est dans certains cas particuliers, de déraciner les souches, on sème ou on plante dans les intervalles, au milieu de la cendre et des charbons. Après quelques moissons on laisse reposer la terre, qui se couvre bientôt d’un taillis qu’on désigne sous le nom de rastrojo, et ce taillis lui-même est, au bout de quatre ou cinq ans, coupé et brûlé pour faire place à de nouvelles cultures. Si l’établissement est abandonné, ce ne sont point de grands arbres qui renaissent à la place qu’occupaient les premiers, mais peu à peu on y voit apparaître des arbrisseaux différens de ceux qui s’y étaient d’abord développés. La différence d’aspect, suivant que le rastrojo est ancien ou récent, frappe les yeux, même les moins exercés, et je crois qu’elle n’est pas moins grande que celle qui existe entre les capoeiras et les capoeirões.

Ces goûts aventureux, cette facilité à transporter au loin son domicile, n’existent pas au même degré à beaucoup près chez l’habitant de la Colombie que chez celui du Brésil ; aussi dans le premier pays, quoique l’agriculture soit fort déchue dans certains cantons où elle était autrefois florissante, et qu’elle ait pris au contraire du développement dans d’autres parties long-temps négligées, on trouve un grand nombre de lieux qui sont depuis long-temps culti-