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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.


sternent, et je voudrais pouvoir les dérober à la connaissance de votre piété. On dit que c’est par vos conseils et votre instigation que le très glorieux roi Sighebert s’acharne si obstinément à la ruine de ce pays. Si je rapporte de semblables propos, ce n’est pas que j’y ajoute foi, c’est afin de vous supplier de ne fournir aucun prétexte à de si graves imputations. Quoique déjà, depuis long-temps, ce pays soit loin d’être heureux, nous ne désespérons pas encore de la miséricorde divine qui peut arrêter le bras de la vengeance, pourvu que ceux qui gouvernent ne se laissent pas dominer par des pensées de meurtre, par la cupidité, source de tout mal, et par la colère qui fait perdre le sens[1]

« Dieu le sait, et cela me suffit ; j’ai souhaité de mourir pour que leur vie soit prolongée, j’ai souhaité de mourir avant eux, afin de ne point voir de mes yeux leur ruine et celle de ce pays. Mais ils ne se lassent point d’être en querelle et en guerre, chacun rejetant la faute sur l’autre, n’ayant nul souci du jugement de Dieu, et ne voulant rien laisser à la décision de la toute-puissance divine. Puisque aucun d’eux ne daigne m’écouter, c’est à vous que j’adresse mes instances ; car si, grace à leurs discordes, le royaume tombe à sa perte, il n’y aura pas là un grand triomphe pour vous ni pour vos enfans. Que ce pays ait à se féliciter de vous avoir reçue. Montrez que vous y venez pour le sauver et non pour le perdre. En calmant la colère du roi, en lui persuadant d’attendre avec patience le jugement de Dieu, vous ferez tomber à néant les mauvais propos du peuple[2].

« C’est avec tristesse que je vous écris ces choses ; car je sais comment se précipitent rois et nations à force d’offenser Dieu.

    bentes dies, flentes dicimus : Ecce dies tribulationis et perditionis nostræ… Germani Parisiorum episc. epistola. Ap. script. Rerum francic., tom. IV, pag. 80.

  1. Vulgi verba iterantes, quæ nos maximè terrent, vestræ pietati in notitiam deponimus, quæ ita disseminata eloquentium ore detrahunt, quasi vestro voto, consilio et instigatione dominus gloriosissimus Sigibertus rex tàm arduè hanc velit perdere regionem… Scriptores rerum francic., tom. IV, pag. 80.
  2. Ad hoc vos hæc regio suscepisse gratuletur, ut per vos salutem, non interitum percipere videatur. In hoc populi restinguitis verba, si mitigatis furorem, si Dei facitis expectare judicium. Scriptores rerum francic., tom. IV, pag. 81.