Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/674

Cette page a été validée par deux contributeurs.
670
REVUE DES DEUX MONDES.

même temps que terrible pour ses ennemis. Cette princesse, jeune encore, et d’une beauté remarquable, répondait mieux que les autres épouses mérovingiennes à l’idée que la population gauloise se faisait d’une reine d’après les traditions de l’empire romain. Fille de roi, et née dans un pays où la royauté, quoique d’origine barbare, avait des allures tout impériales, elle commandait le respect par la dignité de ses manières et par la noblesse de sa naissance. Le jour de son entrée à Paris, les habitans se portèrent en foule à sa rencontre : le clergé des églises et les gens de famille sénatoriale s’empressèrent de venir la saluer ; mais l’homme que sa dignité à la fois ecclésiastique et municipale plaçait à la tête de la ville, l’évêque Germanus, aujourd’hui honoré comme saint, ne se présenta pas. C’était un homme de civilisation autant que de foi chrétienne, une de ces organisations délicates à qui la vue du monde romain, gouverné par des barbares, causait d’incroyables dégoûts, et qui s’épuisait dans une lutte inutile contre la force brutale et contre les passions des rois. Dès le commencement de la guerre civile, saint Germain avait essayé de s’interposer comme médiateur entre Hilperik et Sighebert, et à l’arrivée de ce dernier, il avait renouvelé en vain ses sollicitations et ses remontrances. La fatigue et le découragement altérèrent sa santé ; il tomba malade, et au milieu de ses souffrances corporelles, le présent et l’avenir de la Gaule s’offraient à lui sous des couleurs encore plus sombres. « Pourquoi, s’écriait-il, n’avons-nous pas un moment de repos ; pourquoi ne pouvons-nous pas dire, comme les apôtres dans l’intervalle de deux persécutions : voici enfin des jours supportables[1] ? » Retenu par la maladie, et ne pouvant faire entendre à Brunehilde ses exhortations en faveur de la paix, il les lui adressa par écrit. Cette lettre qui fut remise par un clerc d’origine franke, nommé Gondulf, et qui s’est conservée jusqu’à nous, commence par des excuses respectueuses et des protestations d’attachement ; puis elle continue de la manière suivante :

« Répéterai-je les bruits qui courent dans le public ? Ils me con-

  1. Eo tempore quandò minor erat numerus populi christiani, et cum Dei auxilio licebat residere quietem, cùm apostoli dicebant : Ecce nunc tempus acceptabile, ecce nunc dies salutis : nunc è contrario tam funestos et luctuosos ante oculos ha-