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bus des Saxons ; et Sighebert lui-même signala contre ces derniers son activité et son courage. Comme roi de la France orientale et gardien de la frontière commune, il avait maintenu les peuples germaniques dans la crainte et le respect de la royauté franke ; mais, en les enrôlant dans son armée et en les menant sous ses drapeaux jusqu’au centre de la Gaule, il devait réveiller en eux cette vieille passion de jalousie et de conquête, et soulever un orage menaçant à la fois pour les Gaulois et pour les Franks.

Aussi, à la nouvelle de ce grand armement de l’Austrasie, un sentiment d’inquiétude se répandit, non-seulement parmi les sujets de Hilperik, mais encore parmi ceux de Gonthramn, qui, lui-même, partagea leurs craintes. Malgré son peu de penchant à chercher querelle sans avoir été longuement et vivement provoqué, il n’hésita pas à considérer la levée en masse des nations païennes d’outre Rhin, comme un acte d’hostilité contre tout ce qu’il y avait de chrétiens en Gaule, et répondit favorablement à la demande de secours que lui adressa Hilperik. « Les deux rois eurent une entrevue, dit l’auteur contemporain, et firent alliance, se jurant l’un à l’autre qu’aucun d’eux ne laisserait périr son frère[1]. » Prévoyant que le plan de Sighebert serait de marcher vers le sud-ouest, et de gagner un point quelconque de la route entre Paris et Tours, Hilperik transporta ses forces sur la partie orientale du cours de la Seine, afin d’en défendre le passage. Gonthramn de son côté garnit de troupes sa frontière du nord, qui n’était protégée par aucune défense naturelle, et vint lui-même à Troyes où il s’établit en observation.

Ce fut en l’année 574 que les troupes du roi d’Austrasie, après plusieurs jours de marche, arrivèrent près d’Arcis-sur-Aube. Sighebert fit halte en cet endroit, et attendit, avant d’aller plus loin, le rapport de ses éclaireurs. Pour entrer dans le royaume de Hilperik sans changer de direction, il devait passer la Seine un peu au-dessus de son confluent avec l’Aube, dans un lieu nommé

  1. Quod audiens Chilpericus, ad fratrem suum Guntchramnum legatos mittit. Qui conjuncti pariter fœdus ineunt, ut nullus fratrem suum perire sineret. Greg. Turon., lib. IV, pag. 229.