Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/644

Cette page a été validée par deux contributeurs.
640
REVUE DES DEUX MONDES.

exubérant et si prodigue de couleur, et le style européen moderne, si pâle et si timide.


Jean-Philippe Richard James appartient à l’école du roman historique : il aime à choisir dans les annales des peuples un nom, un personnage, à remplir les lacunes que l’histoire à laissées, à inventer mille petits détails vraisemblables, à colorer habilement ces détails, à nous montrer le héros dans sa robe-de-chambre et dans son intimité. Du goût, des connaissances variées, une ame faite pour comprendre tout ce qui est noble, généreux et héroïque : telles sont les qualités qui le distinguent ; ses meilleurs ouvrages sont Richelieu et Marie de Bourgogne.

Salathiel par le révérend Georges Croly est une fiction magnifique : c’est le conte populaire du juif errant. Ses aventures sont, comme on le pense, variées et presque interminables, car elles embrassent non seulement ses propres sentimens et les évènemens de sa vie, mais les destinées, la naissance et la mort des nations. Au milieu de passages éloquens et pathétiques et de descriptions sur lesquelles le romancier a jeté à pleines mains l’éclat du style, on trouve des passages froids, d’une solennité imposante, triste, ennuyeuse. Comment s’intéresser à un malheureux qui souffre pendant des siècles, sur lequel toutes les révolutions du monde roulent sans rien changer à son malheur, et qui, toujours étendu sur ce lit de torture, force le lecteur à partager sa longue agonie ? Lorsque pendant quatre-vingt et quelques années nous avons sympathisé avec Salathiel, tout ce que notre cœur renfermait de compassion se trouve épuisé ; le reste de ses aventures ne nous cause plus qu’une sorte d’étonnement stupide.

Le poème du même auteur intitulé May-fair est d’une gaîté très mordante, et se rapproche des meilleures compositions de Swift.


Mistriss Hall peint avec bonheur et détails la vie irlandaise. Personne n’a reproduit plus exactement la jeune fille, le rustre, le laboureur, le fermier d’Irlande. Rien d’exagéré dans ces peintures ; elles vivent, et l’imagination qui les a créées n’a prétendu ni les embellir ni les agrandir.


Peut-être ne trouvera-t-on pas exacte la liste des écrivains que je viens de citer. Je le sais, et le temps qui me presse me force de mentionner à la fois, et sans m’arrêter davantage sur chacun d’eux, plusieurs écrivains dignes d’estime : Lord Mulgrave, auteur de Mathilde ; Ward, auteur de Tremaine ; Lister, auteur de Gramby ; mistriss Gore, qui a publié plusieurs ouvrages pleins d’intérêt : ces derniers n’ont fait que reproduire les formes fugitives de la société actuelle. On peut ranger dans la même classe Grandes routes et chemins vicinaux, par Grattan ; le Kuzzilbash,