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remplissent donc toutes les conditions d’un bon réfrigérant ; à quoi il faut ajouter que, n’étant pas spongieuses, elles ne retiennent presque rien de l’eau qu’elles condensent.

« Les arbres, en même temps qu’ils reprennent l’eau à l’atmosphère, empêchent celle du sol de se dissiper par l’évaporation ; c’est à cette double cause que tient l’humidité qu’on observe toujours dans l’intérieur des bois un peu épais. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que la présence des forêts exerce une influence notable sur l’abondance des eaux courantes ou stagnantes. Les effets de cette influence sont suffisamment prouvés par les changemens survenus dans l’Amérique du Nord, où depuis que l’on a commencé à faire disparaître les forêts, les eaux ont sensiblement diminué. Plusieurs lacs ou étangs ont décru d’une quantité notable, ou même se sont entièrement desséchés, et des cours d’eau qui, il y a un siècle, étaient considérables, suffisent à peine aujourd’hui pour faire tourner un moulin. »

L’Amérique du Sud a subi, sous l’influence des mêmes causes, des changemens tout pareils, et j’ai pu moi-même les constater maintes fois. J’eus, il y a quelques années, l’occasion d’examiner un grand nombre de vieux titres de possession relatifs à des biens ruraux ou à des mines, et je fus obligé de comparer l’état actuel avec l’ancien état. Très souvent je cherchais vainement sur le terrain des prises d’eau, des sources, des lagunes, indiquées dans les titres, et alors j’étais comme certain de rencontrer la preuve que les hauteurs voisines avaient été, dans l’intervalle, dépouillées des bois qui les couronnaient. Quelquefois l’effet avait suivi de si près la cause, que des esclaves nés sur l’habitation et témoins du dessèchement progressif des eaux, se rappelaient l’abatis d’arbres qui avait eu lieu dans leur enfance, et ne se trompaient point sur les résultats qu’avait amenés cette folle dévastation.

L’œuvre de destruction a été consommée dans les Antilles bien plus tôt encore qu’à la terre ferme ; mais lorsque les Européens vinrent pour la première fois s’y établir, les bois de ces îles purent souvent leur offrir la même merveille que ceux qui, à l’arrivée de Bontier, couvraient le centre de l’île de Fer ; c’est du moins ce que Purchas et Ramusio assurent pour l’île de Saint-Thomas.

Sur le continent même, les forêts vierges des Cordillères offrent aujourd’hui