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MÉLANGES.

L’imprimerie venait d’être inventée, et l’on ne tarda pas à en faire usage pour donner aux relations des navigateurs portugais et espagnols une publicité qu’eût entravée un siècle plus tôt la lenteur des copistes. Traduites en latin ou en langues vulgaires, ces relations circulèrent rapidement dans tous les pays de l’Europe ; mais elles étaient, d’une part, trop concises, de l’autre, trop peu nombreuses pour assouvir la soif d’informations qui venait de se manifester, et ne faisaient que l’irriter encore. En effet, les chefs des expéditions qui ne visaient guère à la gloire littéraire, se contentaient le plus souvent de communiquer à leur gouvernement les principaux résultats du voyage, et ces documens allaient aussitôt s’ensevelir dans des archives dont ils ne ressortaient plus. Il fallait se contenter de ce qu’on pouvait apprendre dans les lettres qu’ils écrivaient à leurs amis, ou dans les récits informes de quelques matelots employés dans l’expédition.

Heureux encore si ces renseignemens imparfaits eussent été publiés tels qu’on les avait obtenus ; mais alors le public voulait des relations de voyages, et on lui en faisait avec ce qu’on avait de matière. Pendant quarante ans au moins, deux ou trois libraires-éditeurs ne cessèrent d’en fabriquer. Et qu’on n’aille pas se figurer que ces publications se réduisaient à de mesquines brochures usées en passant de main en main, et bientôt oubliées ; non, la plupart étaient de solides in-folio souvent écrits en latin, de ces gros livres sur bon papier qui durent pour perpétuer les mensonges.

Quand enfin les gouvernemens cessèrent de faire un mystère de leurs découvertes, les documens authentiques se multipliant, il n’y eut plus de profit à forger des relations apocryphes ; mais, si dès lors il ne s’en publia guère de nouvelles, les anciennes restèrent pour l’usage des compilateurs du xvie et du xviie siècle, qui ne manquèrent pas d’en user largement. Ces malheureux compilateurs, par tout ce qu’ils entassèrent d’absurdités sur les pays étrangers, dans de prétendus traités d’histoire universelle et de cosmographie, contribuèrent encore, pour leur bonne part, à discréditer les voyageurs. C’était merveille de voir comme tout allait se défigurant successivement entre leurs mains ; car, si d’abord ils s’étaient montrés peu difficiles sur le choix des sources, où ils pouvaient