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REVUE DES DEUX MONDES.

chantent dans la cité nouvelle. De ce concert ineffable nous ne citerons que cette strophe :

LA LYRE.

Deux ames amoureuses qui ont long-temps pleuré, et dont un poète m’a parlé, vivent ici dans un même sein, dans un même cœur, et ne font plus qu’un ange. Comme la couvée d’une hirondelle de printemps, tous deux ils se voient rassemblés en un seul être, sous une même aile transparente. Dans une seule poitrine tressaillent deux bonheurs, deux souvenirs, deux mondes. Moitié homme, moitié femme, pour deux vies ils n’ont qu’un souffle. Et, quand ils effleurent mes cordes, ils n’ont tous deux qu’une bouche pour dire : « Est-ce ta voix ? est-ce la mienne ? je n’en sais rien. »

Un mot, un rien sonore, vibre encore là-bas ; c’est l’Épilogue. La nouvelle cité a long-temps vécu ; Marie est morte ; tous les anges, l’un après l’autre, ont fermé leurs ailes ; l’éternité a clos les yeux du père ; Jésus reste seul au firmament : un immense ennui l’oppresse ; il veut rejoindre son père ; il lègue les mondes à l’éternité, pour les aimer à sa place ; mais l’éternité n’a ni amour, ni haine, ni joie, ni douleur. Impassible, elle reçoit les adieux de Jésus, et lui prédit une nouvelle incarnation, une nouvelle passion, un nouveau champ du potier. Cette fois seulement, tout sera agrandi : le firmament sera sa croix ; les étoiles d’or seront les clous de ses pieds ; les nuages, en passant, lui donneront leur absinthe ; il ne meurt que pour retrouver un plus grand tombeau, un meilleur monde, un nouveau ciel.

LE CHRIST.

Tout est fini : mets-moi dans le sépulcre de mon père ; ainsi soit-il.

L’ÉTERNITÉ.

Au père et au fils, j’ai creusé de ma main une fosse dans une étoile glacée qui roule sans compagne et sans lumière. La nuit, en la voyant si pâle, dira : c’est le tombeau de quelque Dieu.

Et à cette heure, je suis seule pour la seconde fois. Non, pas encore assez seule ; je m’ennuie de ces mondes qui, chaque jour, me réveillent d’un soupir. Mondes, croulez ! Cachez-vous !

LES MONDES.

En quel endroit ?