Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/556

Cette page a été validée par deux contributeurs.
552
REVUE DES DEUX MONDES.

de rubis ; l’enfant s’en effraie, il préfère les dons innocens des bergers aux dons des rois, qui s’en retournent en pleurant ; et les charriots et les mules, qui, voyant que les présens des Mages ont moins de prix aux yeux de Jésus que l’offrande des esclaves, refusent de suivre plus long-temps les rois. Le soleil du vieil orient s’obscurcit ; le jour de l’occident se lève.

À cette première journée succède, comme intermède, une danse des démons qui critiquent la création. Belzébuth, Lucifer, Astaroth s’égaient au sujet de la céleste comédie ; le premier acte leur paraît ridicule. Ils parodient Dieu, le chœur des villes d’Asie et les discours de l’Océan. Nous les invitons comme études poétiques, à relire dans Eschyle les tirades de ce même Océan, battant de ses vagues plaintives le rocher de Prométhée.

La seconde journée (la Passion) commence par une lamentation du Désert. Il gémit à la vue du Christ montant l’âpre sentier qui mène au Golgotha. Il voudrait pouvoir combler de ses flots de sable les rues de Jérusalem, avant que le Christ soit parvenu au Calvaire ; mais sa marche est trop lente. Déjà la foule, avide de douleurs, suit Jésus, chancelant sous sa croix. Ahasvérus, debout devant sa porte, partage toutes les mauvaises passions de la multitude. « Est-ce toi, Ahasvérus ? lui dit le Christ.

AHASVÉRUS.

Je ne te connais pas.

LE CHRIST.

J’ai soif ; donne-moi un peu d’eau de ta source.

AHASVÉRUS.

Mon puits est vide.

LE CHRIST.

Prends ta coupe, et tu la trouveras pleine.

AHASVÉRUS.

Elle est brisée.

LE CHRIST.

Aide-moi, je te prie, à porter ma croix par ce dur sentier,

AHASVÉRUS.

Je ne suis pas ton porte-croix ; appelle un griffon du désert.

LE CHRIST.

Laisse-moi m’asseoir sur ton banc, à la porte de ta maison.