Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/487

Cette page a été validée par deux contributeurs.
483
LITTÉRATURE ANGLAISE.


siner les caractères et les passions des hommes tels qu’ils se montrent dans la vie privée. Nul d’entre eux n’avait essayé de jeter l’histoire dans le roman, et de répandre sur l’immense océan des faits réels la nuance chatoyante des fictions pittoresques. Cette révolution était sollicitée par plus d’un motif

1o La fiction basée sur les intérêts privés se trouvait à peu près épuisée.

2o La séduction de la poésie allait s’affaiblissant chaque jour.

3o Un grand génie s’éleva dont les créations brillantes jaillirent sans interruption, et donnèrent au public le besoin de cette piquante nouveauté. Écrivains en prose et en vers, comme les moutons de Panurge, suivirent le chef du troupeau, et marchèrent en foule vers de nouveaux pâturages.

Walter Scott se mit à la tête du mouvement : ce fut lui qui mêla les

    rité morale et les caractères humains, écrivent avec naïveté et finesse, mais sans éclat. — Richardson, dont toutes les données étaient contraires à celles de Fielding, a fait le roman-sermon, le roman de détails domestiques ; l’histoire morale et microscopique de la famille, de la vie privée, de ses drames intérieurs, de ses passions examinées dans toutes leurs faces, dans tous leurs résultats, reproduites moins dans leur vérité artistique qu’avec la réalité d’un copiste chinois. Richardson a été suivi par un grand nombre d’écrivains ; son genre s’accordait merveilleusement avec le système social et la vie étroite de la famille anglaise. On a outré son défaut : on a fait tourner six volumes autour d’une théière. — Sterne, humoriste plutôt que romancier, a surtout exercé son influence sur les littératures étrangères : sur l’Italie qui a eu son Voyage Sentimental, sur la France qui a produit une armée de petits Sterne, et sur l’Allemagne qui a eu son Jean-Paul. Les Anglais, tout en l’admirant, savaient à quoi s’en tenir sur l’originalité prétentieuse de Lawrence Sterne : ils savaient que toutes ces paroles bizarres, tous ces chapitres extravagans, toutes ces métaphores insolites, toute cette verve de folie baroque, avaient été recueillis par l’auteur, phrase à phrase, souvent mot pour mot, sous la poussière des vieux livres. L’originalité de Sterne est dans la forme seule. — Lewis, inspiré par les ballades sataniques de l’Allemagne, et par l’exemple d’Horace Walpole, qui, un beau jour, enveloppé de sa robe de chambre de satin, releva ses manchettes, et écrivit un conte de terreur (le Château d’Otrante), donna l’impulsion au genre lugubre ; c’est le père de mistriss Radcliffe, de Maturin, de mistriss Shelley et de quelques autres. Le glas de cette littérature de sépulcres, d’épouvante, de squelettes et de fantômes, s’est long-temps perpétué en France ; mais personne, selon nous, n’a su atteindre le degré de terreur que le Moine et le Château d’Udolphe produisent encore sur l’esprit fasciné. — Enfin, Walter Scott, vrai comme