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MARIE TUDOR.

pour les reflets et les plis qu’elle peut donner ; mais là se borne l’emprunt qu’il fait à l’histoire. Il ne s’inquiète ni des faits accomplis, ni des caractères développés et mis en jeu par les événemens. Aux personnages désignés par les annalistes, il substitue, selon son caprice, des acteurs inattendus qui n’ont pas l’air de soupçonner quels étaient les hommes dont ils portent le nom.

Cette négligence volontaire de l’histoire pourrait être amnistiée par la critique, si le poète, sans tenir compte de la vérité relative, locale, passagère, s’élevait par la méditation jusqu’à la vérité éternelle, immuable, universelle, qui domine toutes les géographies et toutes les annales ; si, au lieu de la fille d’Alexandre vi ou du rival de François Ier, il nous donnait au moins une duchesse courtisane ou un empereur ambitieux et libertin. Mais loin de là ; il semble que le mépris de la vérité relative obscurcisse pour lui la vérité éternelle. À mesure qu’il dédaigne plus délibérément d’étudier les peuples, il devient plus incapable de comprendre les hommes. Il attribue à l’inspiration des ressources qu’elle ne possède pas. Il croit que les facultés éminentes qu’il a reçues, le trésor de ses éblouissantes images, la coquette joaillerie de ses antithèses, le dispensent de vivre aussi bien que d’étudier. Il semble craindre d’entamer dans les veilles studieuses, ou dans le mouvement des passions, la pureté primitive de son génie. Mais cette pudeur obstinée le condamne sans retour à l’ignorance de tous les sentimens qu’il veut mettre en jeu. Les travaux de la pensée et les souffrances du cœur s’éclairent mutuellement, et quelquefois se suppléent avec bonheur ; mais, excepté Dieu, je ne connais personne qui puisse se passer de ces deux ordres d’enseignement.

C’est pourquoi, dans l’impuissance où nous sommes d’imaginer pour la poésie d’autres juges et d’autres conseillers que l’histoire et la philosophie, nous examinerons successivement dans Marie Tudor la partie humaine et la partie historique. De cette sorte, nous l’espérons, nous éviterons à la fois le reproche de pédantisme et de mesquinerie.

Il y a dans Marie Tudor quatre personnages principaux : une reine, un favori, un homme du peuple amoureux d’une orpheline qu’il a recueillie, une orpheline qui se trouve être duchesse. C’est avec ces acteurs que M. Hugo a conçu son drame. J’ai long-