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FÊTES DE LA JURA.

— sous les derniers rois de la maison d’Autriche qui avaient déjà si bien commencé la ruine de la nation, merveilleusement consommée ensuite par les Bourbons, — le pays n’avait-il pas encore au moins son franc-parler ? Les cortès de 1646 ne disaient-elles pas à Philippe iv :

« Seigneur, les maux que souffrent les vassaux sont inexprimables, et nécessitent quelque allégement ; ce n’est pas qu’ils prétendent manquer à leur obligation naturelle, et qu’ils ne soient disposés à servir Votre Majesté de leurs vies et de leurs biens ; mais il serait juste que, lorsqu’ils font plus qu’ils ne peuvent, votre majesté daignât faire aussi ce à quoi elle est obligée de tout droit.

« Il y a tant de tributs que les noms manquent pour les distinguer. Les moyens que nous proposons ne suffisent pas assurément pour réparer tout le mal, car une maladie contractée en bien des années ne se guérit pas en un instant ; cependant il serait fâcheux que l’on dît du royaume ce que l’on disait des Romains ; — que la république était malade, et qu’il était grandement temps qu’elle nommât elle-même un médecin qui la traitât. »

Mais il s’agissait bien maintenant de pareilles représentations ! Est-ce que le pays n’avait pas été peu à peu dépouillé de tous ses priviléges, jusqu’à ce qu’on en vînt à lui retirer même celui de la parole ; — à lui ôter ce digne manteau qui cachait au moins sa misère ; — à lui défendre même de dire : — Seigneur, nous vous donnons ce qui nous reste ; seigneur, prenez notre dernier réal.

Cependant les fêtes de cette Jura qui ne lui avait pas rendu la moindre de ses vieilles franchises, — ces fêtes qui lui coûtaient si cher, — ces fêtes qu’il payait de son pain, — comment vouliez-vous donc qu’elles fussent bien joyeuses pour ce peuple ?

Et puis, la poussière qu’elles soulevaient n’était pas si épaisse qu’on en fût entièrement aveuglé, et qu’on n’aperçût pas à l’horizon des nuages bien sombres.

Ce roi pâle et amaigri qui se traînait avec effort à toutes ces pompes, — est-ce qu’on ne voyait pas qu’il venait s’y asseoir comme Balthazar à son dernier banquet ? — Derrière lui, sous son dais de pourpre, — est-ce qu’on ne voyait pas la mort, — la mort, le bras levé, prête à le frapper ?