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LITTÉRATURE ANGLAISE.

ordre. Personne mieux que lui ne sait conserver au poète qu’il traduit le caractère propre et spécial de son époque et de son pays ; c’est un des hommes les plus instruits et les plus remarquables de notre temps. Il est chargé d’un emploi secondaire et mal rétribué au Muséum britannique.


Walter Savage Landor. — Walter Savage Landor, que lord Byron dans sa fameuse satire appelle le Béotien dithyrambique, a écrit le poème de Gebir, qui n’est pas assez lu, et qui renferme plus d’un passage énergique[1].


Henry Hart Milman. — Son génie est surtout dramatique ; ses poèmes épiques sont remplis d’une splendeur quelquefois outrée et laborieuse ; mais on y trouve des scènes naturelles, des sentimens énergiques et nobles, des traits pathétiques. Son Samor, seigneur de la cité brillante, est une histoire d’un temps trop éloigné pour attirer la sympathie du lecteur. Son Belshazzar devait inspirer peu d’intérêt. Qui voudrait relire dans un poète moderne ce que la Bible et les prophètes se sont chargés de proclamer au monde[2] ?


William Tennant. — Son poème très original, la Foire d’Anster, a frayé la route au Whistle-Craft de Frère et au Beppo de lord Byron. Il est même juste de dire que la naïveté, la vérité, le mélange d’esprit, de caricature et de gravité moqueuse qui se trouvent chez Tennant, lui assignent une place bien supérieure à celle de la plupart de ses imitateurs.


Leigh Hunt[3] n’a pas obtenu toute la réputation que mérite son talent. Dans son poème de Rimini, il y a des caractères bien étudiés, un plan heureux, quelque affectation sans doute, mais de l’aisance, une

  1. Personne plus que Landor n’est dédaigneux de la gloire littéraire. Il s’est pris de querelle avec tous les journaux, qui se sont vengés par le silence, ou par des épigrammes, du dédain qu’il leur témoignait ; et ses œuvres, vraiment supérieures, ont très peu de lecteurs, même en Angleterre. Sa prose, nette, concise, éloquente, singulière, a un caractère très particulier qui rappelle les bons auteurs du temps d’Élisabeth. Landor est un de ces écrivains que la postérité retrouve après quelques siècles ; quand toutes les passions sont amorties, elle fait la découverte de leur talent, et leur rend, un peu tard, il est vrai, leur place naturelle. Cet homme bizarre, dont les écrits sont orthographiés selon un système qui lui est particulier, a passé une partie de sa vie dans la solitude et en Italie.
  2. Le Fazio de Milman a été arrangé pour la scène française, sous le titre de Clotilde. Sa Prise de Jérusalem offre des passages très remarquables.
  3. Leigh Hunt, Landor, Keats, ont marqué par leur libéralisme politique. Sotheby, Milman, sont attachés aux opinions tories. On connaît les rapports de Leigh Hunt et de Byron, rapports qui ont abouti à une haine mutuelle.