Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/415

Cette page a été validée par deux contributeurs.
411
LITTÉRATURE ANGLAISE.

Les Heures de Loisir, première publication de lord Byron, n’offrent aucune trace de cette misanthropie amère qui est empreinte dans ses autres ouvrages. On a prétendu que la critique injuste et dédaigneuse de l’Edinburgh Review avait affecté le poète assez profondément pour remplir son esprit et son ame de fiel et de vengeance ; mais Thomas Moore, dans sa Biographie de lord Byron, affirme que la majeure partie de la satire violente, intitulée : les Poètes d’Angleterre et les Critiques d’Écosse, était composée long-temps avant l’apparition de l’article fatal. Quoi qu’il en soit, après la publication des Heures de Loisir, Byron devint cynique, et son humeur changea. Il garda un souvenir pénible et profond de l’attaque à laquelle il avait été en butte.

Sa haute naissance et l’étrangeté de sa vie contribuèrent à sa renommée. Il vit le jour à Londres en 1788. Son père était un dissipateur ruiné ; sa mère, une riche héritière, qui avait payé de sa fortune un amour insensé, un mariage étourdiment contracté. Il ne restait à la mère de lord Byron, petite-fille de princes, qu’une faible pension.

Lord Byron, dans son enfance, ne pouvait guère s’attendre à devenir pair d’Angleterre. Entre lui et la couronne de baronnet se trouvait une armée de parens en fort bonne santé. On ne devait pas espérer qu’il porterait jamais le titre de seigneur de Newstead ; mais tous ses parens moururent l’un après l’autre, et cet héritage de malheur[1] devint la propriété de Byron. Son éducation se trouvait à peine achevée quand l’amour et la poésie s’éveillèrent à la fois dans son ame. À vingt ans, il recueillit en un volume ses poésies fugitives, fut critiqué amèrement par les savans d’Édimbourg, leur riposta par une satire furieuse, quitta l’Angleterre

    parens riches, et il était fier. Son entrée dans le monde et à la chambre des lords fut telle qu’on devait la promettre à l’héritier pauvre d’une généalogie antique. Toute l’histoire de ses premières années n’est qu’une histoire de désappointemens, de vanité blessée, de désirs ardens et refoulés, d’irritation secrète contre le dédain et l’oubli. Mieux que personne, il devait sentir les blessures que la société porte à ses victimes ; plus que personne, il était en droit de répéter l’anathème sur elle. Il a concentré, idéalisé, éternisé cette malédiction : la philosophie de ses œuvres est détestable et nulle. Leur importance historique est immense, abstraction faite de leur valeur et du génie qui s’y déploie.

  1. Les seigneurs de Newstead semblaient depuis long-temps soumis, comme on peut le voir dans les mémoires biographiques de Thomas Moore sur lord Byron à une fatalité douloureuse ; le crime, l’erreur, le vice, le malheur, s’étaient mêlés à toutes les annales de cette famille, dont lord Byron recueillit et glorifia l’héritage.