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Le poème intitulé l’Île des Palmiers l’annonça au public d’une manière très favorable. C’était une prodigalité d’images charmantes, un luxe inoui de couleurs gracieuses, une profusion de touches délicates et de scènes enchanteresses. Il publia ensuite la Cité de la Peste, poème profondément pathétique ; tableau de Londres en proie au fléau qui dépeupla cette grande ville[1]. L’intérêt dramatique y est puissant ; les souffrances individuelles et la misère publique s’y trouvent peintes avec vigueur et avec grandeur ; des rayons de lumière sillonnent l’obscurité hideuse du sujet ; l’espérance plane sur les plus horribles asiles du désespoir ; des fleurs éclosent sur les bords de la fosse pleine de cadavres : et ce vaste ossuaire dans lequel le poète nous introduit nous laisse apercevoir, au loin, un ciel pur, un horizon sublime. Plusieurs traits d’un naturel inimitable rachètent l’horreur et l’effroi causés par les scènes les plus douloureuses ; et quand nous fermons ce livre, il y a plus de résignation dans notre ame, plus d’élévation dans notre pensée.

Sa puissance poétique est très variée. Il nous a promis un volume de féeries, dont nous ne possédons encore qu’un échantillon, intitulé : Édith et Nora. Les êtres surnaturels qu’il met en scène se jouent dans un paysage délicieux, riche, fécond, et que lui seul pouvait créer. Leur langage est inspiré, toutes les traditions de la poésie et de l’histoire concourent à leur donner une moralité et une vie spéciale. Son ode à un daim sauvage est un chef-d’œuvre dans son genre. Les images succèdent aux images, comme les vagues succèdent aux vagues ; le langage court et s’élance ; les pensées se pressent, la poésie devient élastique et rapide comme l’animal qui traverse la forêt en quelques élans.

Dans tous les poèmes secondaires de Wilson, on trouve un sentiment intime de la nature, une facilité et une grâce de langage presque lyrique, une étude profonde des mouvemens du cœur. C’est une imagination splendide, facile, ardente, une pensée élevée, une sympathie noble pour tout ce qui est grand et honorable dans notre espèce. On peut lui reprocher quelquefois l’ardeur de son enthousiasme et le luxe de ses paroles.

  1. L’Histoire de la Peste, par Daniel de Foë, a servi de base à ce poème ; quel que soit le talent de Wilson, c’est dans la prose simple de l’auteur de Robinson que ces terribles réalités se reproduisent avec l’effet le plus dramatique et le plus profond. Déjà Chalmers, Walter Scott, Southey, avaient essayé de faire revivre ce livre inconnu, publié en 1715 par l’auteur de Robinson. Le poème de Wilson surtout a contribué à ramener l’attention publique sur les écrits oubliés de Foë que les recherches consciencieuses de quelques esprits éminens ont enfin replacé à son véritable rang parmi les philosophes et les romanciers.