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sibilité, son imagination, contribue peu, ou contribue moins qu’elle ne le devrait peut-être, à la richesse intellectuelle de l’Angleterre ; toutefois la qualité de ce qu’elle nous donne est excellente. Elle n’a aujourd’hui qu’un représentant à la cour du Parnasse, Thomas Moore. Je suis très familier avec ses ouvrages et très peu avec sa personne.

Né à Dublin en mai 1780, il se fit connaître de bonne heure par la facilité spirituelle de sa conversation et par la grace de ses poésies légères.

    Grande-Bretagne, si l’on ne se souvenait que son unité politique, si mal affermie, si controversée, si combattue, n’a pas encore passé dans les mœurs, et que ces dernières, toutes puissantes sur les productions intellectuelles, sont soumises à l’influence de trois nationalités divergentes ? — Il y a toujours eu en Angleterre trois écoles très distinctes d’éloquence, de poésie, de style ; trois courans intellectuels que l’on ne peut confondre, et dont l’un part d’Édimbourg et de l’Écosse, l’autre de Dublin et de l’Irlande ; le dernier, et peut-être le moins abondant et le moins énergique, de Londres même et de l’Angleterre proprement dite. Il y a chez les écrivains irlandais, Sheridan, Burke, Thomas Moore, Maturin, Banim, une empreinte de vivacité, d’éclat, de véhémence, quelquefois d’extravagance, dont lady Morgan est ou le type ou la caricature ; chez les écrivains écossais, Walter Scott, Galt, Wilson, Burns, Lockhart, une habitude d’investigation philosophique et de recherches savantes, d’études de caractères, de respect pour le passé, de patriotisme local et d’émotions naïves et fortes, mêlées de pédantisme et de minutie ; chez les Anglais proprement dits, un bon sens pratique, une habitude de se rapporter aux antécédens, un amour de la simplicité brute, de l’énergie primitive, de la discussion étendue et libre, peut-être aussi moins d’originalité native. Les écrivains de ces deux pays, l’Irlande et l’Écosse, qui roulent comme des satellites autour des destinées de l’Angleterre, conservent avec un amour religieux leur saveur et leur prédilection nationale. Godwin et Junius peuvent être cités comme modèles du style anglais ; Burke et Sheridan, comme types de l’esprit irlandais perfectionné et civilisé ; Scott et Burns, comme les échos admirables de la passion et de l’observation écossaises.

    Quant aux plaintes de M. Cunningham, qui semble reprocher à l’Irlande sa stérilité actuelle, je ne sais si ces reproches sont bien fondés. Maturin, Banim, Thomas Moore, lady Morgan, O’Connell, sont Irlandais. Banim est un romancier remarquable ; Maturin a eu des étincelles de génie ; lady Morgan, malgré tout ce qu’on peut alléguer contre son style, est une femme d’esprit ; et le grand agitateur O’Connell a donné plus d’une preuve de faconde et de talent. Ce n’est peut-être pas, il est vrai, par une raison forte et sévère que tous ces personnages se distinguent ; mais cette dernière observation, si elle est exacte, vient encore à l’appui des remarques que nous avons placées au commencement de cette note.