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a régné sur le plus grand nombre d’hommes, quoique la gloire de son nom tartare ne soit pas très populaire, et encore moins celle de son nom chinois, Chi-tsou ; de son côté, le lama se rappelait parfaitement avoir reçu de Khoubilai de grands honneurs, trois siècles avant, quand il était le lama Pagspa, neveu de celui qui avait enseigné l’art d’écrire aux Mongols ; enfin l’interprète qui servait à leurs entretiens fut reconnu pour avoir parcouru avec eux le cercle des transmigrations. Ces trois personnes, qui se connaissaient de longue main, devaient s’entendre parfaitement. Aussi l’empereur tartare et le pape thibétain se concertèrent pour abolir certaines coutumes qui sentaient la barbarie, et se séparèrent en bonne intelligence, après avoir échangé des épithètes honorifiques. L’un reçut le titre de l’immense et suprême porteur de sceptres ; l’autre celui de prêtre-océan (dalai-lama), qui ne remonte pas plus haut ; titre que le lama a transmis à ses successeurs, ou, pour mieux parler, que, durant ses diverses transmigrations, Bouddha a continué de porter jusqu’à nos jours.

L’église lamaïque a eu depuis, comme toute église, ses troubles et ses schismes. Les empereurs de la Chine ont intervenu dans ces débats en occupant le Thibet militairement. Aujourd’hui le grand lama est autorisé, par le tribunal des rites, à s’appeler dieu suprême, pourvu qu’il ajoute et sujet obéissant. S’il perd la faveur impériale, on l’invite à venir à la cour, on le reçoit avec de grands honneurs ; le fils du ciel pousse la bonté jusqu’à le faire soigner par ses médecins. Au bout de quelques jours, on lit dans la Gazette officielle que Bouddha a changé de demeure, et se trouve ainsi tout porté pour renaître au Thibet. Il paraît qu’en ce moment il n’y a pas de grand lama reconnu, parce qu’un débat s’est élevé entre le sacré collège du Thibet et l’empereur de la Chine. Les Thibétains prétendent reconnaître Bouddha dans un enfant né dans leur pays, et l’empereur mantchou croit avoir des raisons d’affirmer que Bouddha a fait cet honneur à sa famille en renaissant dans un de ses membres.

Quand la mort a surpris M. Rémusat, il était occupé d’une publication faite pour jeter le plus grand jour sur l’histoire du bouddhisme, et par suite sur l’état fort peu connu de la civilisation dans l’Inde, le Thibet, et la Perse orientale, du ive au viiie siècle de notre ère. Il s’agit de plusieurs voyages entrepris par des religieux