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lettrés. Les lettrés sont en possession de la doctrine de Confucius ; cette doctrine contient la morale canonique et la politique officielle qui mène à tout. On conçoit qu’ils dédaignent parfaitement les systèmes par lesquels on n’arrive à rien. Donner les places est en tout pays un grand avantage pour une opinion, et qui lui concilie beaucoup de bons esprits, surtout parmi ceux qui les obtiennent ; les lettrés, qui les ont toutes, ne forment aucun doute sur la sagesse de Confucius à qui ils les doivent ; et leur mépris pour les penseurs dissidens et sans pouvoir est à la fois celui de l’orthodoxe pour l’hérésiarque et du fonctionnaire pour l’administré. Or les jésuites, d’ailleurs hommes de beaucoup de sens, de courage et de talent, par leur principe de l’autorité en matière de politique et de religion, étaient naturellement attirés vers les doctrines dominantes, et, comme on dit aujourd’hui, gouvernementales. Aussi, bien que les lettrés fussent leurs adversaires les plus acharnés et les plus dangereux, en voyant comme ils avaient réussi à s’emparer de tout le pouvoir, et comme ils étaient habiles à le conserver, les jésuites se prirent d’une grande admiration pour une théorie qui produisait dans la pratique de si beaux effets. Ils se sentirent, au contraire, fort peu d’estime pour les quarante ou cinquante systèmes qui n’étaient bons, comme le jansénisme ou le calvinisme, qu’à troubler l’obéissance et la soumission des esprits : c’est ce qui les a portés à négliger ce qu’on pourrait appeler la philosophie hétérodoxe de la Chine, avec d’autant plus de raison que l’orthodoxie y est philosophique, plutôt que religieuse. En outre, ils ont accueilli trop facilement les calomnies que toute opinion régnante épargne rarement aux opinions indépendantes. Ils ont répété avec assez de complaisance les imputations d’athéisme et de matérialisme, parfois fondées, mais parfois aussi un peu légèrement alléguées par le théisme dévot et hypocrite des mandarins. Cependant, pour être juste, il faut dire que les missionnaires sont encore ceux qui nous ont le plus appris sur les divers systèmes de la philosophie chinoise, et que les matériaux qu’ils nous ont transmis, quelque imparfaits qu’ils soient, ont suffi pour intéresser et exciter vivement l’active pensée de Leibnitz.

Des deux grandes divisions de cette philosophie envisageons d’abord celle qui a le plus d’importance en Chine et de renommée en Europe, l’école du docteur Koung (Koung-Fou-Tseu),