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REVUE DES DEUX MONDES.

sceptres de rois, vos têtes branlantes, vos mains pendantes, vos épées de capitaines, vos chapelets d’ermites, vos éperons de cavaliers, vos blasons, vos noms et vos couronnes ! Je suis triste : vous êtes tout mon jouet ; dansez et dansez, rois et reines, enfans et femmes, jusqu’au matin !


QUATRIÈME JOURNÉE.

LA SCIENCE HUMAINE AU DERNIER JOUR DU MONDE.


LE DOCTEUR FAUST, Enfermé dans son laboratoire et paraissant sortir d’une profonde rêverie pendant laquelle il ne s’est pas aperçu que le monde passait.


i.

Oui, dans mon sein qui palpite la lumière incréée pompe ma vie. J’en ai le pressentiment. C’est l’heure où la vérité va se révéler à moi. Le mystère des choses commence à poindre, et, dans mon abîme, mon œil va voir clair jusqu’au fond. Le dernier jour de la science est arrivé ; ma méditation portera son fruit. La logique est mûre, la critique aussi. La métaphysique a enjambé à priori son cercle de diamans, et dans sa forêt enchantée la dogmatique s’est réveillée en peignant ses cheveux d’or. Tout est prêt. Six mille ans pour la préface de la science humaine, ce n’est pas trop. Des élémens dépendait la conclusion ; un seul échelon brisé de cette échelle qui monte au ciel, et je dégringolais éternellement dans mon éternel problème. D’hier, la méthode est trouvée. Commençons.

ii.

Qui suis-je ? corps et ame ? le tout ensemble, ou plutôt l’un sans l’autre ? Suis-je un rêve, une bulle de savon, un mot, ou bien un Dieu, ou bien un rien ? Fatale question ! Quand vous croyez passer devant elle, pieds nus, sans l’éveiller, toujours elle se met à hurler à vos oreilles, comme Cerbère à la porte de l’Élysée. Et il faut s’arrêter devant sa triple gueule, et rester là jusqu’au soir dans sa