Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
REVUE DES DEUX MONDES.

nous nourrir ? Nous n’avons à boire que nos larmes qui ont creusé nos joues. Où est la maison de ton père ? Où est son dais étoilé ? Est-ce la source tarie que nous creusons de nos ongles ? Est-ce la dalle polie que nous frappons de nos têtes, jour et nuit ? Où est la fleur de ta vigne qui devait guérir la plaie de nos cœurs ? Nous n’avons trouvé que des vipères qui rampent sur nos dalles ; nous n’avons vu que des couleuvres qui vomissent leur venin sur nos lèvres. Ô Christ ! pourquoi nous as-tu trompés ?

CHŒUR DES FEMMES.

Ô vierge Marie ! pourquoi nous avez-vous trompées ? En nous réveillant, nous avons cherché à nos côtés nos enfans, nos petits-enfans, et nos bien-aimés qui devaient nous sourire au matin dans des niches d’azur. Nous n’avons trouvé que des ronces, des mauves passées, et des orties qui enfonçaient leurs racines sur nos têtes.

CHŒUR DES ENFANTS.

Ah ! qu’il fait noir dans mon berceau de pierre ! Ah ! que mon berceau est dur ! Où est ma mère pour me lever ? où est mon père pour me bercer ? Où sont les anges pour me donner ma robe, ma belle robe de lumière ? Mon père, ma mère, où êtes-vous ? J’ai peur, j’ai peur dans mon berceau de pierre.

LA CATHÉDRALE, au bruit des cloches et de l’orgue.

Dansez, dansez, rois et reines, enfans et femmes ; ce n’est pas le temps de pleurer. L’éternité se rit de vous, comme le vent quand il s’amuse à travers les carrefours, avec l’herbe des faneurs qu’il a ramassée dans les clairières.

LE ROI ATTILA.

Est-ce là mon royaume ? Il a six pieds de long pour y coucher son roi. Maudits soient mes amulettes. Maudits soient les bâtons des sorciers. Ma jument s’est égarée dans la forêt du Christ. Voyez ! elle a renversé son cavalier sous son poitrail noir. Dites-moi donc, mes amulettes, où sont passés les vautours couronnés avec les corneilles grises qui les suivaient ? Dis-moi, ma belle cavale noire, où sont passés mes peuples qui croissaient sous la corne de tes pieds d’ébène, comme les ombres du soir en automne ? Les ombres sont restées. Mes frères sont partis. Ma tente, couleur de tes cheveux, pend sur ma tête à la branche de l’arbre des combats par l’anneau de la mort. Ramène-moi vers eux dans les steppes du ciel,