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paysan. Moi[1], je nourris le même espoir, je n’ai pas le même talent que le célèbre poète écossais ; mais avec son humilité, j’essaierai de montrer quelles sont les idées d’un paysan sur un sujet qui ne s’adresse pas seulement à l’imagination, à savoir l’histoire biographique et le caractère de la littérature anglaise depuis la mort de Johnson jusqu’à celle de Scott, c’est-à-dire pendant une période d’environ cinquante années.

Un écrivain célèbre, auquel je faisais part de mon projet, me disait : « Trois qualités sont nécessaires pour réussir dans une telle entreprise, c’est un jugement sûr, un cœur droit et une bonne conscience. » Mes connaissances ne sont pas aussi étendues que je le désirerais ; mon jugement n’est

    plus sûre, plus positive ; et, lorsque l’on a vu se dérouler l’une après l’autre chacune des parties qu’elle embrasse, il ne reste qu’à rapprocher ces divers embranchemens pour former un ensemble, et trouver dans le plan général comme dans les détails la marche, les innovations et les résultats d’une époque.

    Pour rendre ce travail plus complet, un de nos critiques le mieux versés dans la littérature anglaise s’est chargé de le faire passer dans notre langue, en ajoutant au texte des notes, qui en sont le commentaire et souvent le correctif. Ainsi la critique, en quelque sorte, se trouve jointe à l’œuvre dans le recueuil même qui la publie.

    (N. du D.)

  1. Allan Cunningham, auteur de cette histoire de la littérature anglaise moderne, est né en Écosse comme le poète Robert Burns. Il a été maçon et tailleur de pierres dans sa jeunesse. Comme Burns, il a senti son génie poétique s’éveiller aux refrains populaires des vieilles ballades d’Écosse. Encouragé par quelques littérateurs d’Édimbourg, Allan Cunningham n’a pas tardé à conquérir une place honorable parmi les poètes et les prosateurs de son pays. Ses pièces lyriques ont de la naïveté, de l’énergie et de la grace. The Maid of Elvar, roman-poème divisé en strophes, et publié assez récemment, offre un mélange singulier de peintures bourgeoises, chevaleresques et rustiques ; le paysage d’Écosse s’y trouve reproduit avec talent. L’œuvre capitale de Cunningham est sa Biographie des peintres, sculpteurs et architectes anglais : il y a de l’ingénuité et de la finesse dans les appréciations, de l’élégance et de l’abandon dans le style de ce livre, dont plusieurs fragmens ont été traduits et publiés en France. Ce qui distingue surtout Allan Cunningham de Robert Burns, son prédécesseur et son modèle, c’est l’élégance. Burns était passionné, ardent, violent, rustique : il n’y a pas trace de ces caractères chez Cunningham ; son style est heureux, abondant, agréable, sa pensée facile et nette. Souvent, dans les sujets graves qu’il a traités, on peut regretter l’absence de ces hautes et fortes études qui élargissent la sphère de l’intelligence ; jamais, comme il le dit lui-même, et selon la justice qu’il se rend, on ne peut l’accuser de manquer de candeur, de sincérité, de conscience.