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REVUE DES DEUX MONDES.

Sultan Achmet, en entendant ces paroles, versa des larmes de joie et d’attendrissement.

La Validé-SuItane, la Koutoudji et l’Imam, introduits tour à tour, répétèrent dans les mêmes termes la déclaration de Nuh-Effendi, et Baltadji-Méhémet, stupéfait de ce qu’il venait d’apprendre, reçut une pelisse de zibeline, un riche poignard et un nouveau cheval magnifiquement orné. La munificence du glorieux Sultan ne se borna pas à ces dons. Sultan Achmet daigna de nouveau remercier Baltadji-Méhémet, et il l’accabla du poids de sa faveur en le nommant, dans l’effusion de sa reconnaissance, grand-amiral des flottes ottomanes.

Méhémet, épouvanté de sa dignité nouvelle, supplia son généreux maître de modérer ses bonnes grâces, en assurant Sa Hautesse qu’il serait aussi mauvais homme de mer qu’elle l’avait vu timide écuyer.

— Méhémet, répondit le sultan, il était écrit là haut que vous seriez ce que vous ne vouliez pas être ; souvent les hommes ne reconnaissent pas d’eux-mêmes la vocation que Dieu leur a faite. Une inspiration du ciel dicte en ce moment ma conduite.

Puis s’avançant vers son nouveau favori, Sultan Achmet ajouta tout bas :

— Vous embarquerez avant la nuit pour passer loin de Stamboul les six mois de mer que la loi vous commande chaque année. Tous les ans à votre retour, et pendant le même espace de temps, je vous permets d’être le mari de votre femme.

Le soir même en effet, le nouveau capitan-pacha porta son pavillon à bord du vaisseau amiral, et l’Imam crut pouvoir se dispenser de mettre le scellé sur la porte de la Koutoudji.


Ainsi finit l’histoire de la Koutoudji. Louanges à Dieu, le magnifique, le puissant, le fort, créateur du ciel et de la terre, du continent et des mers ! à lui appartient la louange ! Ainsi-soit-il.


le prince Démétrius Caradja.