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de ce mystérieux jeune homme, que, malgré lui, Méhémet tremblait encore par tous ses membres.

Il ne fut pas peu satisfait d’entendre près de lui les instrumens qui annonçaient la venue de sa fiancée, car ses genoux, affaiblis par la peur, ne suffisaient plus pour presser les flancs de son cheval, et une nouvelle chute eût infailliblement suivi la première. Méhémet rentra donc dans la maison de son oncle, où il trouva la Koutoudji, chastement recouverte d’un voile d’épaisse mousseline, qui ne laissait pas entrevoir la plus légère des perfections de ce beau diamant pur et sans tache.

La fiancée prononça d’une voix tremblante le zévedjtu (je me marie à toi), et Méhémet répondit tézavedjtu (je t’épouse). Puis l’Imam récita la prière du mariage, et les témoins apposèrent leurs signatures au bas du registre de la loi.

Méhémet offrit à sa femme des présens conformes à sa nouvelle dignité, et il reçut en échange des chemises de soie, des mouchoirs et des essuie-mains brodés en or et en argent.

Après la cérémonie nuptiale, l’escorte de la Koutoudji reprit le chemin du sérail, portant la jeune épouse dans un riche palanquin précédé d’une troupe de musiciens et de chanteurs.

Les fêtes des épousailles se firent pendant les quatre jours obligés, et les parfums les plus rares, les mets les plus exquis furent prodigués aux convives, et les présens du mari exposés aux regards du peuple. C’étaient de merveilleux présens que les jeunes filles du quartier vinrent admirer avec des soupirs d’envie. Nuh-Effendi était un oncle riche et généreux qui ne se fût pas contenté d’offrir à la fiancée de son neveu, comme jadis le prophète à son gendre Ali, deux coussins, un sceau de cuir, un chameau et 400 talens.

Après que les ongles et la paume des mains de l’épousée eurent été solennellement frottés de hinna, et que dans les belles tresses de sa chevelure les doigts délicats de ses sœurs et de ses amies eurent suspendu des touffes de fils d’or et semé des parcelles d’or sur ses joues et sur son front, la famille de Méhémet se réunit une dernière fois pour le dernier repas.

Au moment de la cinquième prière, deux heures après le coucher du soleil, Méhémet alla baiser les mains de ses oncles et de ses frères aînés, et, quittant l’appartement des hommes, il