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que le malheureux Maurice ne peut refuser à Richard son amitié et son estime. Tout ce tableau est si frais et si brillant, et l’imagination de l’auteur, la solidité de ses études et de ses connaissances, l’originalité de ses vues, y ont répandu une variété si grande, qu’on ne saurait trouver une lecture plus attachante. Si M. Karr ne se laisse pas étourdir par le succès de ses deux romans ; s’il s’abstient désormais de ces efforts pénibles qui gâtent si souvent le style naturel, vif et gracieux qui lui appartient, s’il obéit au sentiment qui le domine dans ses meilleures pages, et qui donne des émotions si vraies et si pures, il prendra bientôt une des premières places parmi les romanciers de cette époque. M. Karr, qui comprend si bien la nature et ses simples beautés, n’a qu’à la consulter ; elle lui donnera de meilleurs conseils que la critique.

Dans l’Excellenza, ou les Soirs au Lido, M. Roger de Beauvoir a déployé toutes les qualités et tous les défauts de la jeune école littéraire. De brillantes couleurs, des saillies spirituelles, un talent de narration remarquable, distinguent les contes de M. de Beauvoir, et une connaissance parfaite de l’Italie, qu’il a habitée long-temps, leur donne un cachet tout particulier. M. Roger de Beauvoir s’était fait connaître par un livre plein d’intérêt, qui décelait une étude consciencieuse de notre vieille histoire. Les Soirs au Lido ajouteront à la réputation de l’auteur de l’Écolier de Cluny ; Lea Marini, la plus jolie nouvelle de ce recueil, est surtout contée avec beaucoup d’art. Venise, dont on a tant abusé, y est dépeinte avec grandeur, enrichie de coloris, et tous les petits poèmes en prose dont se compose le livre de M. Beauvoir, vous saisissent par un intérêt dramatique puissant. M. Beauvoir promet un second volume à ses lecteurs.

Nous avons sous les yeux la traduction du brillant ouvrage de M. Bulwer, intitulé : l’Angleterre et les Anglais. Ce livre est dédié au prince de Talleyrand, et on ne peut se dissimuler que le chapitre qui accompagne cette dédicace n’ait une teinte un peu moqueuse. Un homme d’un esprit aussi fin et aussi caustique que l’est M. Bulwer, était cependant fait pour comprendre celui de M. de Talleyrand. Le livre de M. Bulwer sera bien utile en France, où l’on apprécie si mal l’Angleterre et les Anglais. L’auteur de Pelham, répandu dans la société, membre du parlement, lié par ses sentimens politiques avec toute l’aristocratie whig, rapproché de la bourgeoisie par sa vie antérieure, ayant eu à souffrir, comme esprit libéral, comme esprit supérieur et comme écrivain, de tous les préjugés de la société anglaise, était dans une excellente situation pour observer les mœurs de ses compatriotes et mettre le doigt sur les plaies de son pays. M. Bulwer l’a fait sans ménagement, avec toute la verve, la