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À l’Ambigu-Comique, un mauvais mélodrame, intitulé Louis xiii, et tiré du beau roman de M. de Vigny ; aux Variétés, les Tire-laines, triste farce sans esprit ; l’Opéra prépare un ballet en trois actes ; et les Italiens attirent la foule, grace à la voix d’Iwanoff et surtout à celle de Rubini.


La critique politique nous a fait négliger depuis quelque temps la critique littéraire. Hâtons-nous de remplir cette lacune.

L’inépuisable M. Balzac a grossi son bagage de deux épais volumes, Le Médecin de Campagne. M. Balzac a quitté cette fois sa Touraine, et s’est jeté dans les belles vallées du Grésivaudan, dans les campagnes de Grenoble, au milieu des sites âpres et pittoresques de la Grande-Chartreuse. La manière dont M. Balzac compose ses tableaux, cette richesse de détails, cette observation microscopique des minuties qui le distinguent, et qu’il applique tantôt à la description d’une cabane ou d’une chambre d’auberge, et tantôt au portrait d’une jeune fille ou d’une vieille femme dont on dirait les rides comptées par le pinceau de Gérard Dow, convenaient mal peut-être aux grands paysages agrestes de l’Isère. Aussi nous doutons que les descriptions de M. Balzac soient goûtées dans le magnifique pays qu’il a décrit. M. de Stendhall, dans son délicieux roman, intitulé, on ne sait pourquoi, le Rouge et le Noir, avait aussi animé son début par une description des campagnes de Grenoble ; c’est là qu’il faut chercher la peinture des lieux décrits par M. Balzac dans son nouveau roman. Malheureusement pour les lecteurs et pour M. Balzac, ce n’est pas seulement la partie descriptive qui se trouve faussée et incomplète dans le Médecin de Campagne.

M. Benassis, le médecin de campagne, est une sorte de Bonhomme Richard, qui regarde sa profession comme un sacerdoce, et qui s’occupe tout à la fois de la réforme politique et sociale de sa commune. De là d’interminables discussions entre lui, le curé, le maire, et tous les personnages qui représentent les diverses classes de la société. Ces conversations forment une suite de contes d’économie politique, qui rappellent ceux de miss Harriet Martineau, moins la science sociale, que miss Martineau possède fort bien, et dont M. Balzac n’a perçu quelques élémens qu’à l’aide d’une intelligence vive et ingénieuse ; mais ces jets désordonnés ne suffisent pas à remplacer les faits qui lui manquent absolument.

Dépouillé de ses prétentions scientifiques, il reste peu de pages au nouveau livre de M. Balzac ; mais dans ce peu de pages on retrouve le talent chaud et animé, l’esprit observateur du fécond romancier. Nous citerons particulièrement la mort d’un fermier des montagnes du Dauphiné et ses