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ministère de l’intérieur que M. de Montalivet et M. Thiers ont achevé de consolider leur faveur, et dans notre régime actuel, on pourrait donner au ministre chargé de ce portefeuille, le titre plus exact de premier commis du télégraphe.

Les nouvelles du télégraphe ne sont pas toujours aussi cruellement séquestrées. Le télégraphe n’apporte pas chaque jour l’annonce d’une mort de roi ; souvent ses communications intéressent moins directement le pouvoir suprême, et alors on les laisse tomber avec clémence, comme une pluie bienfaisante, sur les commensaux des ministres, qui se composent de pairs, de députés, de gens d’affaires et de médecins, race familière qui eut de tout temps ses accès libres près de tous les pouvoirs. Il faut voir ces jours-là avec quelle rapidité les cabriolets et les tilburys des agens de change s’élancent vers la Bourse, quel mouvement au parquet, quel flux, quel reflux de questions, d’ordres, d’achats, de ventes et d’agitations de toute espèce ! Au milieu de l’activité et du désordre de cette sphère subalterne, de cette fourmilière ministérielle, on distingue un groupe calme, fier et dédaigneux, qui ne prend pas la moindre part à tout ce mouvement, et l’observe avec un malin sourire. C’est le grand monde financier, peu nombreux comme le grand monde, véritable ministère, qui a ses représentans près de chaque ministre à portefeuille, et qui, parmi toutes ces confidences et ces nouvelles qu’on se dépèce avidement sur le pavé de la Bourse, a déjà choisi ce qui lui semblait bon. Les affaires de ce groupe-là sont déjà terminées, lorsque celles du second groupe commencent. Ainsi, dans les grandes journées, chacun de nos ministres assiste à la Bourse de sa personne en quelque sorte, de même que les banquiers siègent par procuration dans le conseil, tant toutes ces ames et ces intérêts sont unis ! Nous traçons ici, avec une certaine exactitude, le tableau de cette division des pouvoirs et de ce double ministère, tel que l’ont établi des relations durables et journalières, fondées à la fois sur des sentimens d’amitié et d’intérêt réciproques :

Présidence ........
M. de Rothschild.
Ministère de la guerre Le maréchal Soult. MM. Davilliers et Cie.
— — des finances M. Humann. MM. Delessert et Cie.
— — de l’intérieur M. d’Argout. MM. PilletWill et Cie.
— — de la marine M. de Rigny.
M. Tourton.
M. Wells, abs. par congé.
— — du commerce M. Thiers. MM. Esparria et Cie.

On voit que non-seulement les capacités figurent dans le ministère actuel, mais encore qu’elles y sont doubles, et que chaque département,