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Réduits à un tel rôle, la plupart de ces journaux ne peuvent être comparés qu’à nos journaux de département, auxquels ils sont souvent encore bien inférieurs, pour la disposition matérielle et surtout pour la rédaction ; ils ne dépassent guère les frontières du pays auquel ils appartiennent spécialement. Les journalistes des états voisins les reçoivent, il est vrai, mais le peuple s’en soucie peu, et n’a pas grande raison de s’en soucier.

Quant aux feuilles littéraires, elles partagent à peu près le même sort. L’esprit de décentralisation générale qui existe en Allemagne ne permet pas à Berlin de reconnaître la suprématie de Vienne, ni à Vienne celle de Stuttgardt, ni à Stuttgardt celle de Leipzig, etc. ; toutes veulent avoir leurs bibliothèques, leurs littérateurs et leurs journaux ; et, tandis que chez nous et en Angleterre, le concours d’un grand nombre d’écrivains sert à former des revues importantes, qui se distinguent et par la variété de leurs articles et par le volume de leurs publications, il paraît d’ici, de là, en Allemagne, dans chaque université, dans chaque petite ville, un petit journal qui compte deux ou trois rédacteurs : l’un y apporte une nouvelle ; le second une pièce de vers, un autre un article de théâtre ; tout cela remplit quelques numéros, et puis on recommence avec une nouvelle, une pièce de vers et un article de théâtre. Aussi voyez : le Freymüthige de Berlin, dont le rédacteur, M. Hering, n’est certes pas un homme ordinaire, n’a pas encore pu atteindre ses six cents abonnés ; le Gesellschafter est à peu près placé au même niveau ; et, quant à toutes ces feuilles qui paraissent en seconde ligne, elles peuvent crier merveille, si elles atteignent deux ou trois cents souscripteurs.

Viennent donc à présent les journaux scientifiques, les annales d’université, et les recueils qui, par le mérite d’une rédaction transcendante, ou par leur ancienneté, pourraient prétendre à une grande vogue ; mais ici se présente une autre difficulté, ce sont les moyens de transport, car dans ce pays, ce n’est plus comme en France, où pour une taxe d’un sou nous allons faire circuler une feuille d’impression d’un bout du royaume à l’autre. En Allemagne, on n’a que deux moyens d’éviter l’énorme impôt que la poste perçoit sur toute espèce d’ouvrage imprimé, c’est d’expédier, au bout de huit ou quinze jours, par collection et non pas par chaque numéro, les journaux, en les plaçant dans des ballots de librairie, que l’on dépose au roulage (c’est de la sorte que la plupart des journalistes échangent entre eux), et l’on conçoit quel long retard cause un tel mode d’expédition ; ou il faut s’abonner directement à la poste, et l’on obtient par là une certaine diminution sur la taxe ordinaire : mais il en coûte encore très cher pour recevoir directement par cette voie plusieurs feuilles périodiques ; et c’est là, sans doute, une des principales entraves qui s’opposent