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PRESSE PÉRIODIQUE EN ALLEMAGNE.

devenu rare en Allemagne comme en France. Ce qui ajoute d’ailleurs tant de prix à ses suffrages, c’est qu’il ne se laisse influencer dans les jugemens qu’il porte par aucune considération personnelle, ni même par les liens de l’amitié : de là vient qu’une critique de Menzell est une chose de poids, d’après laquelle le succès d’un livre peut s’escompter à beaux deniers comptans comme la signature d’un négociant bien famé.

En traçant cette brève esquisse de l’état de la presse périodique allemande, je ne dois pas oublier de signaler ce qui prouve beaucoup pour notre influence en pays étrangers, c’est la publication de cinq journaux français : un à Francfort, deux à Leipzig, un à Berlin, et un autre à Vienne. Le premier est un journal politique ; les autres sont formés à peu près sur le modèle du Cabinet de Lecture, c’est-à-dire qu’ils s’occupent de recueillir ce qui s’offre à leur convenance dans nos revues littéraires, et ce n’est pas une surprise peu agréable que de trouver à trois cents lieues de son pays des articles français sortis tout fraîchement d’une imprimerie allemande.

À considérer maintenant la presse d’Allemagne sous le rapport de l’influence qu’elle possède, et de la prospérité dont elle jouit, il faut reconnaître qu’elle reste à cet égard bien en arrière de la nôtre, et ce qu’il y aurait de plus étonnant, c’est que le contraire arrivât. La censure pèse de tout son poids sur ces journaux, et si quelques hommes hardis tentent de lui échapper, le meilleur parti qu’ils aient à prendre, c’est de porter avec un peu moins de gêne le joug qui les oppresse ; c’est de tomber avec grâce comme le gladiateur. Quant au reste, quant à cette foule d’écrivains qui se trouvent toujours vivre en très bonne intelligence avec les censeurs, il y a, sur tout ce qui sort de leur plume, une teinte d’uniformité qui court d’une ville à l’autre, du fond de la Prusse à l’extrémité du pays de Bade. Presque tout leur travail ne consiste le plus souvent qu’à faire un résumé des principales nouvelles qui leur tombent entre les mains, et à les disposer avec plus ou moins de goût. Et qu’importe alors au bon bourgeois de Cobourg, de recevoir le journal de Munich, plutôt que celui de Francfort ou de Dresde ? Le centre politique manque, le foyer où toutes les grandes discussions naissent et s’échauffent, le levier qui fait mouvoir toute une nation, n’est ni dans cette ville ni dans celle-là ; sa première chose à ce bourgeois, c’est de savoir comment va son grand-duc, c’est de lire la nomination d’un nouveau conseiller, c’est de voir ce que l’on a discuté hier à la cour, chez les ministres, et pour tout cela, rien ne vaut mieux que la petite feuille in-4o qui s’imprime à deux pas de chez lui, dans laquelle il trouvera en outre un résumé de ce qui se passe de plus important dans le reste de l’Allemagne, et dans les autres états.