ne discutons que les modernes. Je propose la république suisse (et il vida une seconde fois son verre, qu’on venait de remplir) : qui veut la république suisse ? Il faut la majorité des suffrages, comme pour l’élection de demain.
— Appuyé ! — Appuyé ! crièrent plusieurs voix confusément. Guillaume Tell ! — Vive Guillaume Tell ! — Quels hommes que ces Suisses ! — Comme ils se battaient ! — Comme ils maniaient la hallebarde ! Ils ont tué à Granson le trisaïeul de mon grand-père ! — Le pauvre homme ! À sa santé ! — Vive la république suisse !
— Un instant, messieurs, dit une voix forte qui domina toutes les autres, je m’oppose… — Et le silence se rétablit.
— Quoi ! messieurs, prendre pour modèle une république de paysans ! voulez-vous mener paître les vaches, devenir fabricans de fromages, et avoir pour musique militaire le son du cornet à bouquin ? — Il se fit de grands éclats de rire, et l’on cria : — Une autre ! — Une autre !
— Messieurs, reprit le président, je mets aux voix la république hollandaise ? — Et il but un troisième verre de vin.
On criait déjà : — Bravo ! — Ruyter ! — de Witt ! quand un opposant se leva, et dit : — Non. La Hollande, c’est trop bourgeois, bourgeois à faire mal au cœur. C’est un pays où l’on peint les arbres en vert, où on les taille en boules, en clochers, en singes, en poissons, en éléphans ; un pays où une femme se croit bien mise, quand elle porte sur sa personne tout l’étalage d’un bijoutier. Et à ce propos permettez-moi de vous parler d’un bal où j’ai figuré à Rotterdam avec la belle des belles, la femme de mon digne ami Myn-Heer Van-Knipelstop. Elle avait au sommet de la tête un petit moulin à vent tout en diamant, dont les ailes se mettaient à tourner dès qu’elle entrait en danse…
Les rires et les bravos interrompirent l’orateur, et l’on cria : — Une autre ! — Une autre !
— Messieurs, dit le président, voici le tour de mon ancienne connaissance, la république des États-Unis…
Le comte de Morvelle éprouva un mouvement de contrariété.
— Messieurs, dit-il, je demande pour ce pays la même grace que pour l’antiquité ; nous avons contribué de nos épées à l’affranchir, et toutes les grandes idées du siècle y ont germé comme sur un