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FÊTES DE LA JURA.

vaux allaient au trot, secouant leurs panaches. Les voitures roulaient rapidement sur le sable. Les livrées marchaient à grands pas aux portières. Tout cela glissait sans bruit ; tout cela s’enfonçait en silence et disparaissait sous l’arc des Platerias.

C’était quelque chose d’étrange et de merveilleux, en effet, que cette caravane royale au milieu de ce désert illuminé. Du coin obscur où j’étais, je voyais si petits ces cavaliers, ces laquais, ces carrosses ! Il me semblait que je regardais par le verre d’une lanterne magique.


Cependant, les dernières voitures passées, les régimens arrivèrent avec leurs musiques ; après eux la foule allait se précipiter dans la place ! — J’en sortis avant qu’elle y entrât. — Je voulus n’emporter que l’impression du fantastique spectacle que j’avais été là presque seul à voir, et peut-être le seul à sentir.

iv.
LES TAUREAUX DU ROI.


Le 22, c’était le grand jour, c’était la grande fête ; — c’était la grande course royale. — Il y avait eu déjà le matin la petite course, la course d’essai, — la prueba. — Les toreros n’y avaient figuré qu’en costume noir, en négligé. Cela s’était passé sans cérémonie. On avait tué dix taureaux qui avaient tué eux-mêmes tout au plus une douzaine de chevaux, et blessé à peine deux banderilleros. Ce n’était rien, je vous le dis. C’était la course d’essai.

Mais c’était à cinq heures, — lorsque le pavé brûlait, — lorsque, dévoré par le soleil de la journée, Madrid n’était plus que du feu ; — c’était à cinq heures qu’il vous eût fallu traverser ses rues désertes, et vous approcher de la Plaza-Mayor, aux portes de laquelle se pressait tout ce qui dans la ville n’y avait pu trouver encore entrée. Or si, n’ayant point de place réservée, à force d’argent ou à force de bras, vous aviez été assez heureux pour y pénétrer, un bien magnifique spectacle se serait d’abord offert à vos regards.

Ce n’était pas seulement le vaste amphithéâtre du tendido qui