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MÉTELLA.

fortune et de l’éducation, il est tout simple qu’on se marie ensemble. La conduite de ma tante semblait autoriser en moi cette espérance, et je pensais qu’on me trouvait encore trop jeune pour m’en parler. Dans ces idées, j’étais aussi heureuse qu’il est permis de l’être ; je ne désirais rien sur la terre que la continuation d’une semblable existence. Mais hélas ! ce rêve s’est effacé, et le désespoir depuis ce matin… »

Ici la lettre avait été interrompue par l’arrivée de lady Mowbray.

Métella laissa tomber la lettre, et cachant son visage dans ses mains, elle resta plongée dans une morne consternation. Elle demeura ainsi jusqu’à une heure du matin, s’accusant de tout le mal, et cherchant en vain comment elle pourrait le réparer. Enfin elle céda à un besoin instinctif, et se rendit à la chambre de sa nièce. Tout le monde dormait dans la maison, le temps était superbe, la lune éclairait en plein la façade du château, et répandait de vives clartés dans les galeries dont toutes les fenêtres étaient ouvertes ; Métella les traversa lentement et sans bruit, comme une ombre qui glisse le long des murs. Tout à coup elle se trouva face à face avec Sarah, qui, les pieds nus et vêtue d’un peignoir de mousseline blanche, allait à sa rencontre ; elles ne se virent que quand elles traversèrent l’une et l’autre un angle lumineux des murs. Lady Mowbray, surprise, continua de s’avancer pour s’assurer que c’était Sarah ; mais la jeune fille, voyant venir à elle cette grande femme pâle, traînant sur le pavé de la galerie sa longue robe de chambre en velours noir, fut saisie d’effroi. Cette figure morne et sombre ressemblait si peu à celle qu’elle avait habitude de voir à sa tante, qu’elle crut rencontrer un spectre et faillit tomber évanouie ; mais elle fut aussitôt rassurée par la voix de lady Mowbray, qui était pourtant froide et sévère.

— Que faites-vous ici à cette heure, Sarah, et où allez-vous ?

— Chez vous, ma tante, répondit Sarah sans hésiter.

— Venez, mon enfant, reprit lady Mowbray en prenant son bras sous le sien.

Elles regagnèrent en silence l’appartement de Métella. Le calme, la nuit et le chant joyeux des rossignols contrastaient avec la tristesse profonde dont ces deux femmes étaient accablées.