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Anglaise aussi, et fière au point de mourir de douleur plutôt que d’avouer une faiblesse. Elle affecta au contraire d’encourager l’amitié d’Olivier pour Sarah ; mais Olivier s’en tint avec la jeune miss à une prévenance respectueuse, et la timide Sarah eût pu vivre dix ans près de lui sans faire un pas de plus.

Lady Mowbray se rassura donc, et commença à goûter un bonheur plus parfait encore que celui dont elle avait joui jusqu’alors. La fidélité d’Olivier paraissait inébranlable ; il semblait ne pas voir Sarah lorsqu’il était auprès de Métella, et s’il la rencontrait seule dans la maison, il l’évitait sans affectation.

Une année s’écoula pendant laquelle Sarah, fortifiée par l’exercice et l’air des montagnes, devint tellement belle que les jeunes gens de Genève ne cessaient d’errer autour du parc de lady Mowbray pour tâcher d’apercevoir sa nièce.

Un jour que lady Mowbray et sa nièce assistaient à une fête villageoise aux environs de la ville, un de ces jeunes gens s’approcha très près de Sarah et la regarda presque insolemment. La jeune fille effrayée saisit vivement le bras d’Olivier, et le pressa sans savoir ce qu’elle faisait. Olivier se retourna, et comprit en un instant le motif de sa frayeur. Il échangea d’abord des regards menaçans et bientôt des paroles sérieuses avec le jeune homme. Le lendemain, Olivier quitta le château de bonne heure et revint à l’heure du déjeuner ; mais, malgré son air calme, lady Mowbray s’aperçut bientôt qu’il souffrait, et le força de s’expliquer. Il avoua qu’il venait de se battre avec l’homme qui avait regardé insolemment miss Mowbray, et qu’il l’avait grièvement blessé, mais il l’était lui-même ; et Métella l’ayant forcé de retirer sa main, qu’il tenait dans sa redingote, vit qu’il l’était assez sérieusement. Elle s’occupait avec anxiété des soins qu’il fallait donner à cette blessure, lorsqu’en se retournant vers Sarah, elle vit qu’elle s’était évanouie auprès de la fenêtre. Cette excessive sensibilité parut naturelle à Olivier, dans une personne d’une complexion aussi délicate ; mais lady Mowbray y fit une attention plus marquée.

Lorsque Métella eut secouru sa nièce, et qu’elle se trouva seule avec Olivier, elle lui demanda le motif et les détails de son affaire. Elle n’avait rien vu de ce qui s’était passé la veille ; elle était dans ce moment à plusieurs pas en avant de sa nièce et d’Olivier, et donnait