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REVUE. — CHRONIQUE.

jeune et fier alors, mit à débarquer sur le rivage de l’Île-Dieu ; mais il est positif, et mérite aussi d’être recueilli comme document pour l’histoire.

Une des parties les plus intéressantes du livre de M. Dermoncourt, c’est le récit qu’y fait en quelque sorte M. Berryer lui-même (car quel autre que M. Berryer pourrait savoir ces détails ?) de son entrevue avec Madame. Mais M. Berryer, ainsi que Madame, a fait une petite omission dans ses récits. Il a oublié de dire que ce fut à la suite d’une conversation qu’il eut avec le préfet de Nantes, M. de Saint-Aignan, et dans laquelle il déploya un peu trop de cette spirituelle franchise qui le distingue, que M. de Chateaubriand fut inquiété à Paris par la police, et prié d’aller faire un tour en Suisse ou en Italie. On avait conclu de la conversation de M. Berryer que le haut comité royaliste à Paris, composé de MM. de Chateaubriand, de Pastoret et de Bellune, se livrait à des entreprises qui pourraient donner de l’inquiétude au pouvoir. M. de Montalivet, qui donna cet avis charitablement à M. de Chateaubriand, n’a pu oublier la lettre que lui écrivit, et que remit lui-même chez son concierge, le noble chevalier de la restauration. Elle portait cette féodale suscription : « De gentilhomme à gentilhomme. » M. de Chateaubriand faisait là une concession évidente à M. de Montalivet, car on sait que M. Montalivet, père du jeune ministre, était tout simplement un comte de fabrique impériale.

Rien de plus curieux que le voyage de Madame dans la Vendée, tel que le rapporte M. Dermoncourt. Nous voudrions le citer ; mais la place nous manque.

Le livre de M. Dermoncourt sera lu avec avidité, et nous ne serions pas étonnés si bientôt il y ajoutait une suite. À voir tous les préparatifs que fait Madame en ce moment, on peut croire qu’elle se dispose à lui fournir les matériaux d’un second volume.


— Une notice fort détaillée, écrite avec un soin et un goût remarquables, vient d’être publiée sur M. Thurot, membre de l’Académie des Inscriptions, mort, il y a un an passé, du choléra. M. Thurot était l’un des disciples les plus doctes et les plus sages de cette école de philosophie et d’idéologie qui a eu pour maîtres, dès le commencement du siècle, Cabanis, Garat, M. de Tracy. Il a consigné les résultats de son observation scrupuleuse dans l’ouvrage intitulé : De l’Entendement et de la Raison, dont une seconde édition paraît enrichie de la notice, qui est un excellent morceau et un juste hommage. Helléniste érudit, traducteur et souvent commentateur utile de l’Hermès de Harris, professeur laborieux, M. Thurot unissait à toutes les qualités saines et solides de l’esprit les plus rares vertus morales, comme citoyen et comme homme privé. L’auteur de la notice a dignement relevé ce mérite modeste ; il a parlé des philosophes au milieu desquels M. Thurot s’était nourri, des circonstances et des choses de cette vie studieuse, en témoin exact, compétent, et qui n’a pu être lui-même sans influence ni sans gloire dans la carrière. Peu d’écrivains sont capables d’exposer si bien et de savoir si nettement ce qui concerne l’époque