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LA CORNOUAILLE.

dans ta maison pour mettre feu sur ma pipe ! J’avais même pensé que si mon salut te plaisait, tu aurais pu me proposer un coup à boire et un morceau à manger ; — et au lieu de cela tu ne me laisses voir que le trou du loquet de la porte, et tu restes là te prélassant pendant que nous sommes sous le poids du jour. — Dis-moi, ne serais-tu pas un hérétique ou le fils du mauvais riche ?

LE RÉPONDEUR.

Nullement ; mais nous avons souvent vu des vagabonds entrer chez nous pour manger notre lard fumé et nos crêpes ; cela nous a rendus prudens. — Cependant si vous êtes lassé, je vous prêterai un sabat sur lequel vous pourrez vous asseoir, un à chaque bout. — Qu’en dites-vous ? cela ne vous serait-il pas bien commode ?

LE DEMANDEUR.

Maître, je ne suis pas un vagabond. Je viens ici remplir une mission digne d’un chrétien, car il est dit, dans l’Écriture, qu’autrefois un honnête homme, nommé Éliézer, fit ce que je fais aujourd’hui, et l’histoire dit aussi que cet Éliézer fut reçu avec honneur, et qu’on ne le laissa pas hors le seuil.

LE RÉPONDEUR.

Oh ! si Éliézer était venu vers moi, je l’aurais embrassé à deux bras, car c’était un homme de foi et de religion ! — Mais maintenant les routes sont pleines de gens qui aiment le mensonge et la tromperie. Ils vous promettent la mer et les montagnes pour vous donner un grain d’avoine. — Si tu es un trompeur comme eux, arrière ! n’approche pas de cette maison.

LE DEMANDEUR.

Éliézer, mon modèle, était fidèle et vrai. Dieu le conduisit vers une jeune fille, belle comme les étoiles du désert et qui craignait Dieu. — C’étaient des gens charitables qui ouvrirent leur maison au messager, et lui servirent de quoi rassasier sa faim. Mais il dit qu’il ne mangerait pas qu’il n’eût expliqué le but de son voyage. — Et moi aussi, je n’ai point de temps à perdre. Je suis venu pour la même mission qu’Éliézer. Vous avez beau feindre, une jeune fille est dans cette maison. Dites-lui que je suis arrivé avec celui qu’elle aime le plus parmi les hommes qui vivent et qui passent sur cette terre. Il l’attend ici pour qu’ils aillent lier leurs vies à jamais. — Assez de finesse et de combats, ami ; tu sais bien que l’homme que voilà est bon et riche, et que c’est la meilleure des créatures qui mangent le pain de Dieu.

LE RÉPONDEUR.

Il semblerait à vous entendre que tout est décidé. — Je crois que vous