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deux pères se frappent dans la main ; dès-lors la promesse est réciproquement regardée comme inviolable.

Cependant dans certaines communes on laisse encore au garçon, pendant quelque temps, le droit de se dédire. Il lui suffit pour cela d’entrer chez sa fiancée au moment où tous les parens sont rassemblés autour du feu, de prendre un tison et de le poser en travers de l’âtre : par cette action, il déclare renoncer à s’asseoir au foyer de la famille à laquelle il avait d’abord voulu s’allier.

Huit jours avant le mariage, les fiancés vont faire séparément leurs invitations de noce, la jeune fille accompagnée de son garçon d’honneur, le jeune homme de sa fille d’honneur. L’inviteur, portant à la main une longue baguette blanche, s’arrête à la porte de chaque maison, et commence un long discours en vers dans lequel il engage tous les gens du logis à se rendre au repas, en indiquant l’époque de la noce, le lieu où elle se fera, et l’aubergiste qui fournira le dîner. Ce discours est fréquemment interrompu par des prières et des signes de croix.[1]

Enfin vient le jour du mariage. Dès le matin le tailleur, dont les fonctions ont changé de nature, et qui n’est plus désigné que sous le nom de rimeur, se présente accompagné du futur et de ses parens. La famille de la jeune épouse se tient sur le seuil de la porte avec un autre rimeur, chargé de répondre en son nom. Ici commence un spectacle impossible à décrire par sa gravité grotesque et son mélange de comique et de touchant. Le rimeur du mari s’avance le premier, il se découvre ainsi que tous ceux qui l’accompagnent, et bientôt s’engage le dialogue suivant en vers bretons.

LE DEMANDEUR.

Bonjour, compagnons, puisque vous êtes là assemblés, oisifs et en habits de fêtes, vous aurez bien le temps d’écouter quelques mots. Nous sommes des passagers qui portons de bonnes nouvelles. Dites-nous de grâce le nom de cette maison ?

LE RÉPONDEUR.

Je vous rends votre salut, vous tous qui passez, j’aime à croire que vous êtes d’honnêtes compagnons, mais suivez votre chemin ; il n’est rien de commun entre vous et moi.

LE DEMANDEUR.

Comment ! compère, je croyais que tu m’aurais au moins invité à entrer

  1. Voyez les Rimou, recueil imprimé à Morlaix. Je m’en suis servi pour cette traduction, ainsi que d’un recueil imprimé à Quimper, et de trois manuscrits qui sont en ma possession. J’ai reproduit fidèlement les pensées bretonnes, mais sans pouvoir leur conserver leur énergie et leur grâce. Au reste, il y a presque autant de discours que de rimeurs.