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UNE CONJURATION D’AUTREFOIS.

CURIUS, à part.

C’était son improvisation pour le soir, Catilina sera content.

TERENTIA.

Je voudrais être aussi tranquille sur ton compte que Servilie peut l’être sur celui de César ! mais je te vois si pâle, si préoccupé, si différent avec moi ! À en croire la rumeur publique, tu es bien coupable, Curius. Citoyen rebelle et amant parjure ! Passe encore pour la république, cela regarde Tullius, mais…

CICÉRON, avançant la tête.

L’infâme !

CURIUS.

Pure calomnie ! (À part.) Il faut que j’aille rassurer Catilina chez Vargunteius.

Je te reconduis jusqu’à ton appartement, ma douce âme ; demain je te reviendrai libre de soucis, tout entier à l’amour…

TERENTIA.

Sortons de cette officine de plaidoiries, nous n’avons plus rien à faire ici.

CURIUS, la prenant familièrement.

Oui, sortons.

(Sortie.)

Scène X.


CICÉRON, seul, effaré.

Ô malheur, plus de doute ! me voilà donc forcé de relever ma honte, ou de sacrifier la république ! Affreuse alternative ! Brutus ! Brutus ! tu as immolé tes enfans à la république ! moi, je lui immole l’honneur de ma maison ! Il faut tout dire : plus d’époux, plus d’épouse, il n’y a que le consul ici. On répudie sa femme ! on ne répudie jamais la patrie. Fulvie avait dit vrai ; oui, demain, Curius, tu reviendras libre de soucis ! tout entier à l’amour ! Dès demain, tu n’auras plus d’obstacles, plus de consul ! le crime sera consommé. Pas encore, Curius… pas encore… Les paroles ne suffisent plus maintenant, il faut des armes, la toge garantit mal ! Esclave ! esclave !

(L’Esclave paraît.)

Apporte-moi ma cuirasse… mais il m’a dérobé mon discours ! Vite, vite, ma cuirasse !

(L’Esclave apporte la cuirasse, et aide Cicéron à la placer sous sa toge.)