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tesse de son cheval et au dévoûment de deux Indiens. Il resta deux jours caché dans les bois, d’où il entendait les pas des chevaux et la voix de ceux qui étaient à sa poursuite.

C’en était fait de toute cette révolution, si Calderon eût su profiter de sa victoire. En marchant à l’instant sur la Vera-Cruz, il y serait arrivé même avant les fuyards, et l’eût enlevée sans coup férir ; tout y était désolation et désespoir. Au lieu de cela, il fit preuve d’une incapacité inconcevable : satisfait de son triomphe, il resta fortifié dans son camp, et laissa l’ennemi réunir ses débris et se reformer. On dit qu’alors il se livra envers les vaincus à des cruautés que les antécédens de son caractère ne rendent que trop croyables. Le malheureux colonel Lendero, qui toute la journée s’était distingué par des prodiges de valeur, enveloppé par le nombre, fut pris les armes à la main ; deux soldats l’amenèrent devant Calderon, qui l’insulta par d’amères railleries, et ordonna de le délivrer d’un traître dont la présence, disait-il, le souillait : il fut égorgé sous ses yeux.

Cependant les fuyards s’étaient ralliés dans la Vera-Cruz, et Santa-Anna se trouva encore à la tête de quatre ou cinq cents hommes : le reste avait été pris, tué ou dispersé. Quelque sanglante qu’ait été cette journée, il est difficile de croire néanmoins que le nombre des morts se soit élevé à huit cents hommes du côté des vaincus ; les premiers rapports furent exagérés.

Enfin Calderon se mit en marche avec sa timidité ordinaire, et la ville fut mise en état de siège. Ici il est difficile pour un Européen, en jetant les yeux sur les opérations de ce siège, de retenir un sourire de pitié. La Vera-Cruz est bâtie sur une plage de sable demi circulaire d’environ un mille de rayon ; cette plage est terminée par un double rang de dunes derrière lesquelles commencent les forêts du Mexique. La révolution qui expulsa les Espagnols, a laissé quelques traces de destruction, et en dehors des murs se trouvent les ruines d’un grand nombre de maisons de plaisance, d’églises et d’anciens couvens, au milieu desquels les assiégeans auraient pu venir se loger, y placer des batteries et de là écraser la place. Du côté de la terre, un simple mur d’enceinte en état de dégradation met la ville à peine à couvert d’un coup de main. Santa-Anna, soit par