Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/619

Cette page a été validée par deux contributeurs.
613
RÉVOLUTION DU MEXIQUE.

qu’aucune discipline n’avait assujétis jusque-là. Il attendait donc le moment de faire une sortie, et crut enfin l’avoir trouvé. Le 3 mars, Calderon s’était avancé jusqu’à huit lieues de la ville dans un endroit appelé Tolomé, et là, selon son habitude, il s’était fortement retranché. Soit habileté, soit hasard, il avait placé son camp sur de petits monticules qui s’élèvent dans une plaine couverte de broussailles ; il était adossé à des bois, et une petite rivière couvrait sa gauche. Ce choix permettait à l’artillerie du camp de tout dominer, tandis qu’en cas d’attaque la cavalerie de l’ennemi ne pouvait exécuter aucune manœuvre. Santa-Anna, avec la rapidité qui caractérise ses résolutions, conduisit son armée par des chemins à lui seul connus, et parvint à tourner Calderon. Quoique ses troupes fussent harassées de fatigue, il fit ses dispositions pour le combat. Sa droite était appuyée à un petit pont jeté sur la rivière qu’un bois taillis bordait ; il en confia la garde à la meilleure compagnie de ses troupes régulières, et le signal fut donné. D’abord ses troupes chargèrent avec impétuosité, mais la mitraille de l’ennemi mit bientôt le désordre dans tous les rangs ; les Indiens qui se précipitaient tête baissée s’effrayèrent tout à coup à la vue des parapets contre lesquels ils allaient se briser. Un bataillon ennemi attaqua le pont qui protégeait la droite ; le capitaine, qui en avait la garde, se croyant trop faible, lâcha pied, retomba sur le centre, y répandit l’alarme, et la déroute commença. La cavalerie, empêtrée dans les broussailles, se débanda ; on dit aussi que les Indiens s’étaient enivrés d’eau-de-vie en marchant au combat, et qu’une fois effarouchés, rien ne put les ramener[1]. Alors ce ne fut plus qu’un carnage affreux, chacun chercha son salut dans la fuite ; les premiers fuyards qui arrivèrent à la ville y répandirent la consternation. « Tout est fini, disait-on ; Santa-Anna et tout son parti sont détruits. » Lui-même, obligé de fuir, ne dut la vie qu’à la vi-

  1. C’est ainsi que généralement combattent les Indiens : quand ils sont à portée, ils tirent le premier coup de fusil et se jettent sur l’ennemi avec leurs machettes. Si l’on résiste au premier choc, ils sont vaincus ; mais il faut une bonne discipline pour en soutenir l’impétuosité.