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NOUVELLES EXPÉDITIONS ANGLAISES.

porte en même temps que nous ; et, se plaçant l’un à côté de l’autre, comme pour nous en défendre l’entrée, ils tirèrent de leurs instrumens un son éclatant qui nous perça les oreilles. La surprise nous arrêta tout-à-coup ; mais, presque aussitôt, nous vîmes le vieux chef Li, accompagné de Kin, venant à notre rencontre dans des chaises portées par quatre hommes. Li était assis sur une peau de tigre, et avait un costume très pittoresque. Les trompettes marchèrent alors en avant, et nous restâmes à la même place, attendant ce qui allait se passer. En arrivant près de nous, les deux chefs nous saluèrent poliment, descendirent de leurs chaises, et nous firent signe de les accompagner au rivage, où une vingtaine d’individus étaient occupés à élever une espèce de tente. Nous répondîmes que, venant pour traiter d’une affaire publique, nous espérions que nous serions invités à remettre nos lettres de créances d’une manière plus convenable ; mais les chefs nous montrèrent de nouveau la tente ; et, après avoir dit quelques mots à nos deux amis, ils remontèrent dans leurs chaises, et se dirigèrent vers le rivage, accompagnés de deux trompettes en tête du cortège, deux à la suite, et quatre ou cinq soldats, tous sans armes. Nos deux amis nous prirent alors par le bras et nous engagèrent par signes à suivre les chefs, mais nous leur témoignâmes notre mécontentement de cette réception, et pendant que M. Gutzlaff écrivait, je me frayai peu à peu et sans violence, un passage à travers une dixaine d’individus qui occupaient l’entrée de la rue, et je gagnai la galerie d’une maison voisine, en déclarant que je recevrais là mon audience. En me voyant entrer dans cette maison, la foule poussa des cris horribles, et un soldat courut prévenir les chefs de ce qui venait de se passer. Deux minutes après, un autre cri se fit entendre, et je vis quatre soldats courant le long du rivage, saisir deux hommes coiffés de grands chapeaux à larges bords, et reprendre leur course avec leurs victimes en les entraînant du côté des chefs, qui étaient toujours dans leurs chaises à porteur à côté de la tente. Les deux accusés se mirent à genoux en arrivant près d’eux, puis on les fit coucher à plat ventre, et pendant qu’un homme levait leurs vêtemens, un autre apporta deux longues lattes et les remit aux soldats qui se tinrent prêts à infliger une punition exemplaire aux deux malheureux.