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d’environ six cents pieds, entièrement privées d’arbres et de buissons, et sans autre verdure qu’une étroite lisière de fougère qui serpentait entre les rochers du rivage ; l’île entière paraissait noire et flétrie comme nos champs d’Europe au milieu de l’hiver. En approchant du mouillage, nous aperçûmes une baleinière montée par quatre hommes, et nous reconnûmes notre lieutenant, assis à l’arrière, qui agitait son chapeau. Cette baleinière était celle d’un bâtiment américain de Stonington (Massachussets), qu’il avait rencontré dans une baie de la grande île, et dont le capitaine l’avait accueilli en frère, ainsi que son équipage. Ce bâtiment était parti depuis quinze mois pour la pêche des phoques, et dans cet intervalle, il avait réuni environ seize cents peaux, principalement sur la côte occidentale de Patagonie et de la Terre de Feu. Le capitaine regardait ce voyage comme très heureux, chaque peau valant de cinq à seize dollars, sur les marchés des États-Unis, suivant leur grandeur et leur qualité, et terme moyen, dix dollars, valeur double de celle qu’elles avaient, il y a cinq ans, en raison de leur rareté toujours croissante. Récemment encore les peaux de phoque s’envoyaient en Chine, mais maintenant elles vont toutes aux États-Unis où elles se vendent beaucoup plus cher. L’équipage de cette goélette se composait de quinze hommes qui ne recevaient aucun salaire, tous étant payés sur les produits de la pêche, comme les équipages des baleiniers.

« Aussitôt que nous eûmes jeté l’ancre, je me rendis à terre sur l’île Saunders, accompagné de quelques-uns de nos officiers qui désiraient se livrer au plaisir de la chasse. C’est dans cette île qu’était situé l’établissement anglais fondé en 1764, et abandonné dix ans après. L’emplacement en avait été choisi sur un terrein légèrement en pente, près d’une petite baie entourée de rochers, dans laquelle un petit ruisseau d’eau douce vient décharger ses eaux avec lenteur. Le peu de fond de la baie, qui est en outre mal abritée contre les vents, l’aridité du sol aux environs, et l’insignifiance du ruisseau, rendent ce lieu tout-à-fait impropre à recevoir un établissement de quelque importance, bien qu’il puisse convenir à un petit nombre d’habitations. Il ne reste plus de celui du siècle dernier qu’une douzaine de maisons ou plutôt de cabanes, dont les murs tombent en ruines, et au milieu desquelles on en remarque une d’une construc-