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ÆNEAS SYLVIUS.

sons pour parler, boire, rire et chanter ensemble. Vous vivez décidément trop loin de nous ; les courriers sont si rares, que nous n’avons pas même la consolation de recevoir fréquemment de vos lettres, et d’ailleurs on n’ose pas confier tout au papier. Je suis de votre avis relativement aux assemblées où se traitent les affaires ecclésiastiques. On n’ouvre pas une diète qu’elle n’enfante une autre diète, et je crois vraiment que c’est parce que leur nom est féminin qu’elles accouchent et pullulent ainsi. On avait eu l’idée d’ouvrir un concile à Nuremberg ; mais comme on a pensé que les affaires de l’église y seraient promptement réglées, et que ce serait un moyen de neutraliser la vertu prolifique des diètes, ce que l’on redoutait, on a renoncé à ce projet. C’est vraiment une chose curieuse de voir comme les véritables intérêts de l’église sont soignés ! Toutes les affaires sérieuses de la république chrétienne sont sens dessus dessous, et Dieu seul peut savoir comment tout cela finira. Heureusement que la barque de saint Pierre, autrement dit l’église, si bien agitée et battue par les tempêtes qu’elle soit, ne peut être submergée, puisque notre Sauveur J.-C. a promis qu’elle durerait jusqu’à la fin des siècles. Ce que l’on vous a débité du couronnement du roi, n’est nullement fondé, et je n’en ai pas encore entendu souffler un mot ici. Ce sont de faux bruits. Voici les nouvelles : Ulric, comte de Cilie, après des attaques longues et fréquentes, s’est rendu maître du camp où Franco, frère du marquis de Ban, s’était retranché. Le vaincu, après avoir perdu un de ses fils dans l’action, a été fait prisonnier et emmené par le vainqueur avec sa femme, son autre fils et toutes les richesses qu’il possédait. Giskra est entré en campagne avec une nombreuse armée pour combattre Pancrace ; aussi toute la Hongrie est-elle tremblante. On tient une assemblée à Albe Royale, en Hongrie, et en général on espère que les Hongrois se décideront à rentrer sous l’obéissance de Ladislas. Michel vous en dira plus long dans la lettre qu’il vous écrit. Recommandez-moi à tous nos amis, écrivez-moi souvent, et portez-vous bien. Adieu. »


Quelques pages plus haut, on a lu l’espèce de profession de foi que notre futur pape a faite au sujet de l’amitié, et avec quelle peine il se détachait de ceux qu’il avait cru devoir aimer. Dans la lettre suivante, on va voir les raisons qui le firent rompre un attachement de ce genre, et l’espèce d’apologie qu’il jugea à propos de faire, pour justifier le refroidissement de son cœur. La lettre est adressée à Michel Psullendorf, protonotaire de la chancellerie royale.

« Le jour où je vous accompagnai à cheval, au moment où vous partiez ainsi que Gaspar de Nuremberg, vous m’avez recommandé de vous