Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/508

Cette page a été validée par deux contributeurs.
502
REVUE DES DEUX MONDES.
ALDO.

Êtes-vous triste, êtes-vous fatiguée ? Voulez-vous que je chante ? Que puis-je faire pour vous ?

LA REINE.

Êtes-vous heureux ?

ALDO.

Je le suis, parce que vous m’aimez.

LA REINE.

Cela ne vous ennuie jamais ? — Eh bien ! vous ne me répondez pas ? Déjà votre visage est changé, des larmes roulent dans vos yeux, ma question vous a offensé ?

ALDO.

Offensé ? — Non.

LA REINE.

Affligé ?

ALDO.

Oui.

LA REINE.

Si vous êtes triste, vous allez me rendre triste.

ALDO.

J’essaierai de ne pas l’être ; mais, quand vous avez besoin de distraction et de gaîté, pourquoi me faites-vous appeler ? Ce n’est pas ma société qui vous convient dans ces momens-là. Votre nain Tickle a plus d’esprit et de bons mots que moi.

LA REINE.

Mais il est méchant et laid. J’aime la gaîté, mais c’est un banquet où je ne voudrais m’asseoir qu’avec des convives dignes de moi. Pourquoi méprisez-vous le rire ? Vous croyez-vous trop céleste pour vous amuser comme les autres hommes ?

ALDO.

Je me sens trop faible pour professer le caractère jovial. Quand je semble gai, je suis navré ou malade ; le bonheur est sérieux, la douleur est silencieuse. Je ne suis capable que de joie ou de tristesse. La gaîté est un état intermédiaire dont je n’ai pas la faculté, j’y arrive par une excitation factice. Si vous m’ordonnez de rire, commandez le souper, faites danser sir John Tickle sur la table ;